mercredi 29 avril 2009

ça recommence.
J'ai pris la brèche.
L'envie de bien faire.
Relancer la machine.
J'ai respiré un peu mieux. J'ai espéré. ça revient, j'ai pensé. La vie. Comme tout le monde. Comme avant. Tout doucement. J'ai dit : attention, t'emballe pas mon coco. ok, y'a des motifs d'espoir. Mais t'emballe pas. Je me suis un peu emballé quand même.
Et puis, ça retombe. Bien sûr.

Où t'en es ?

J'en suis là où il y a tellement peu d'envies que je me fais peur.
J'en suis à refuser tellement le système dans lequel je vis, que je ne sais plus bien ce qui me reste.
Je me dis que toutes mes tentatives de me raccrocher, toutes mes envies de bien faire, mes envies de rester dans le rang malgré tout, risquent de se faire balayer par une vague très puissante, que je sens au fond de moi.
ça me fait un peu peur évidemment. Je n'ai plus envie de jouer le jeu social. Il faut bien vivre dit une toute petite voix faiblarde en moi. Ouais. Peut-être.
Est-ce que c'est de la paresse ? Ou un problème de conviction ?
Les deux mon général. Mais d'où vient la paresse ? Du manque de conviction vraisemblablement.
Je vois tous ces gens qui croient en ce qu'ils font. Je me dis : c'est admirable.
Je pense que c'est plus grave qu'une mauvaise passe. Je pense que je n'ai pas envie de vivre la vie qui m'est proposée.
Pourtant ne pas la vivre serait me condamner à ne plus voir mes filles ou trop peu. Parce que je serais obligé de vivre ailleurs. Seul truc qui me raccroche à la nécessité de ramener du fric. Payer le loyer. Par n'importe quel moyen.
Je ne crois plus en ce que je me suis construit. Ce que je dis à mon entourage. Je vais faire ceci. ça me rapportera tant. Et puis ça permet de faire bouger un peu plus les choses.
En fait, j'm'en fous un peu. J'ai pas vraiment d'empathie. Sauf quand je suis en présence. Dans l'instant. Là, j'oublie un peu tout, j'apporte ce que je peux, indépendamment de l'idée d'efficacité. C'est juste le principe de solidarité.
Mais je ne peux pas en faire un système de vie. Une direction. Parce qu'au fond, je n'y crois pas plus que ça. Il y a tellement de bifurcations. Le bien produit le mal. Le mal produit le bien. Même si, même si, oui un peu quand même...

Il faudrait se raccrocher à quelque chose, j'en ai bien conscience. Mais je n'arrive même plus à tricher avec moi-même. Juste un peu avec les autres encore.

Y'a peut-être un tournant à prendre, une bifurcation, accepter de lâcher prise encore plus. Affronter ce qui m'effraie ; chercher la cohérence.

En tout cas, le reste ne prend pas. Farce. Je ne parviens pas à m'abuser.

Parce que je ne lâche pas complètement, parce que j'ai encore peur, l'espace ne peut pas s'ouvrir. L'endroit que je peux remplir. En liberté. En cohérence. L'instance qui me dirige me prive peut-être d'énergie et d'envie pour cette raison. Que j'aille au bout.

Ce n'est encore qu'une idée.

samedi 18 avril 2009

A cet instant de la réflexion, je suis obligé de parler de ce que j'avais soigneusement omis de mentionner jusqu'à maintenant.

J'ai 21 ans. Je décide, contre l'avis de mes parents, contre l'avis très véhéments de mes grands-parents, de me lancer dans le théâtre : je serai comédien.
4 ans de cours. 4 ans de bonheur et d'insouciance. Premier écueil : le système de sélection avec le conservatoire national : la clé ou pas la clé. Pas la clé. Comme tous les grands concours, il est préférable de le préparer avec le plus grand soin et d'être bien entouré. Comme tous les grands concours, les jeux sont déjà un peu faits ! Ceux qui nagent dans le milieu ont plusieurs longueurs d'avance. Il y a 20 places et plus de 1 000 prétendants.
Qu'à cela ne tienne, j'ai de l'énergie à revendre, je monte une pièce. Je suis confronté à la dure réalité de la communication, du marketing, de l'économie. Je suis en train de jouer à un jeu, dont je ne connais pas les règles. Je pense que l'envie, l'enthousiasme, le talent (?) suffisent. J'enchaîne les succès d'estime. Je commence à mieux comprendre le système et je me lance dans le grand jeu de la recherche de subventions. Je grapille quelques subsides. Mais je ne suis pas assez politique pour l'exercice. Seul m'intéresse l'objet théâtral. Je suis attiré par un ami dans la course à la gloire et la notoriété (je ne me suis pas fait beaucoup prier). L'idée est de se faire remarquer par un producteur, par un diffuseur, par un Puissant... Le parcours est terrible. On y perd son âme et jusqu'à une partie du plaisir de jouer. Il faut plaire à tout prix. Etre le meilleur. Faire les auditions. Tenter de grapiller un passage en télé. S'épuiser littéralement à espérer une main qui n'arrivera jamais. Je me suis égaré. J'ai cédé aux chants des sirènes. J'ai été puni. Trop d'années à m'épuiser. Et le retour est cinglant sous forme de lapalissade : si je n'ai pas réussi, c'est donc que j'ai raté. Le raccourci est vite trouvé : c'est donc que je suis un raté. Balayés les sentiments de fierté pour l'objet créés, balayés les joies du public, balayées les salles hilares, balayé le plaisir de créer, le plaisir de jouer. Il fallait réussir. A tout prix ! Qu'est-ce que réussir ? C'est comme la nouvelle star, tout pareil. Il faut devenir le choisi, celui qui pourra exercer son métier dans de bonnes conditions, être décemment payé et avoir la reconnaissance du public (mais pas nécessairement de ses pairs).
Chercher à atteindre ce graal fait trouver des trésors d'énergie et paradoxalement procure un moteur très puissant pour créer et agir. Mais gare à la chute. Si on n'atteint pas le but envisagé, c'est comme si tous ces efforts étaient anihilés d'un seul coup et quand l'énergie vient à manquer, on se retrouve vidé. Anéanti. Renvoyé au néant. Je ne suis rien. Puisque j'étais ce que je faisais. Et que je n'ai pas atteint ce que je voulais. Et que je n'ai aucune énergie ou envie pour autre chose.
Voilà la grande perversité de ce système, le piège dans lequel je suis tombé. Tout est affaire, encore une fois, de la manière dont on se positionne.
Aujourd'hui, certes les réservoirs sont vides, mais je pense qu'en me repositionnant, je peux espérér retrouver de l'envie.
L'idée est de partir du plaisir de faire. Uniquement ça. J'ai été dans ce bonheur de faire. Quand je n'avais pas de prétention. Ce n'est pas un bonheur au rabais. Ce n'est pas dégradant. Je peux "réussir" à la hauteur de la fierté que j'éprouve face à la qualité de l'objet créé, que j'estime avoir atteinte.
Je creuse cette idée depuis quelques mois. Et mon pire ennemi, celui qui revient sans cesse est le sentiment d'échec. Si je le laisse gagner, je suis foutu ! C'est lui qui bloque l'envie. Le fameux : "A quoi bon ?", "de toutes façons, j'ai tout raté !" Mélange d'orgueil et d'attitude infantile.
Le combat n'est pas gagné. Je ne dois pas le perdre de vue !

mercredi 15 avril 2009

Peur de manquer. Peur de ne pas subvenir aux besoins de mes filles.
Culpabilité vis-à-vis d'elles. Peur du scénario catastrophe. Et fascination aussi par rapport à ce scénario. Manière de lâcher vraiment.

Allons jusqu'au bout. Je laisse "aller". Je ne fais rien. Mes enfants sont récupérés par leur mère. J'ai un endroit où loger. Je peux même intégrer une communauté. Je ne suis pas obligé de vivre l'horreur SDF.
Je ne vois presque plus mes filles. C'est socialement grave. Pour moi ? Je ne sais pas. Je n'arrive plus à distinguer le social de ce que je ressens vraiment. Je ressens ce que je me dis que je dois ressentir en pareille circonstance.
Est-ce intéressant surtout ?
Se pose la question du "faire". Qu'est-ce que je veux faire de ma vie ? Est-ce que j'ai envie de faire quelque chose de ma vie ?
Plutôt non. Jusqu'ici, j'ai répondu à des impératifs sociaux et familiaux. Aujourd'hui, ces impératifs ne me touchent plus guère. Je suis uniquement touché par la nécessité et par l'idée que peut-être je peux faire souffrir mes enfants. Qui n'est pour l'instant qu'une idée. Mais est-ce que profondément elles ne souffrent pas davantage de vivre une semaine sur deux avec un père sans goût de vivre ?
Je m'approche de ce feu sans doute à dessein. J'ai peut-être besoin de tomber comme Icare.

Je sais que j'ai toute une batterie de moyens, même de l'ordre de l'assistanat, qui sont là pour m'empêcher de "tomber" justement. Mais ce qui m'intéresse, c'est pourquoi je me suis approché si près de cette idée.

Se repose la question du "faire". Qu'est-ce qui donnerait sens ?
La tentation la plus grande encore une fois est d'arrêter de faire. Il semble que cette option ne m'amène pas de contentement, bien au contraire. A moins d'avoir la force mentale de l'ermite et de trouver un sens dans la méditation. Il semble que ce ne soit pas mon cas.
Je pourrais me lancer dans toutes les activités qui pourraient satisfaire mon égo et mon compte en banque. Mais l'égo commence à s'en foutre grave. L'égo s'estompe, jusqu'à, je l'espère, finir par disparaître. L'argent n'est pas un moteur suffisant. Même si je conçois que c'est un moteur plus intéressant que l'égo. En tout cas, il n'est pas assez puissant pour me pousser à l'action.
Reste le domaine de l'altruisme.
Aïe ! Je suis assez vigilant pour m'apercevoir justement de tous les pièges de l'égo dans cette exercice. Et puis, il y a ces maximes terribles : le mieux est l'ennemi du bien. L'enfer est pavé de bonnes intentions.
La meilleures action possible reste l'action simple : agir pour survivre et vivre ensemble.
Je ne veux pas pour autant travailler. Je veux bien cultiver mon jardin en revanche. Et jouer aux cartes. Je veux bien aller cueillir les fruits de la nature et chanter. Je veux bien pêcher et danser autour du feu. Je veux bien construire une maison et faire des peintures ou des sculptures.
Sans jamais rien attendre. Pour le plaisir.
Voilà sans doute ce que je souhaite réellement. Sans doute. Je me méfie de mes constructions mentales.
Voilà ce que notre société ne nous permet pas. A moins de se couper du monde et de rejoindre une communauté ou d'en créer une.
Mais je n'aime pas l'extrémisme de ces communautés. J'aime aussi profiter du progrès. Même si je n'aime pas les moyens utilisés pour y parvenir.

Conclusion : je suis dans la merde.

En attendant ce jour (comme dirait Zongra), quelles solutions s'offrent à moi pour ne pas plonger dans la mélasse du désespoir (comme penserait Stig Dagerman) ?
Si je travaille correctement, si je me renseigne convenablement, si je ne pars pas bille en tête en pensant avoir raison (comme ça m'est arrivé trop souvent), si donc, je ne me laisse pas gagner par l'arrogance, je peux peut-être essayer de soulager un tout petit peu, à ma manière, grâce à ce que j'ai reçu, quelques souffrances. Cela aurait sans doute un peu de sens. Si je sens que mon action est bonne et sincère. Si je sens que j'apporte un réel soulagement.
Je peux agir (en continuant à apprendre et en essayant de transmettre) sans que mon action m'apparaisse vaine. Et ne pas attendre d'être "vraiment prêt" pour le faire, car je ne serai jamais "vraiment prêt" ; et puis j'apprends en faisant.
Je dois repenser à cette parabole lue quelque part :
un homme se promène sur une plage où des millions d'étoiles de mer sont en train de crever au soleil ; à chaque pas, il en rejette une à la mer. Un autre homme arrive et lui dit : "A quoi bon ? elles sont trop nombreuses, ça ne représente aucun intérêt. Le premier, tout en lançant une nouvelle étoile à la mer lui répond : "pour celle-ci, ça a de l'intérêt."