samedi 30 août 2014

A l'arrêt

Alors voilà, on se trouve dans  la mélasse, ça glisse, ça flippe, ça fout les jetons, le jour est devant, au milieu, il m'entoure le chien, il faudrait faire quelque chose, être avec les autres, être dans le tourbillon, cesser de ne rien faire, en tout cas, y croire, faire semblant d'y croire, avoir de grands projets. Regarder les nuages bouger, ça ne suffit pas, ce n'est pas un métier. Je ne sais pas, moi, tu ne veux pas gagner de l'argent, t'enrichir, c'est bien ça, tu pourras aller aux putes autant que tu veux. Ou bien, faire du sport. Courir pendant des heures ; bien choisir tes baskets, celles-ci sont bien, tu vois parce que patati, patata, et tu as quelque chose à dire. Pendant les repas. Ou bien , faire de la politique. Dans la télé, ils ont l'air de croire à ce qu'ils disent, on sent que c'est drôlement important, l'avenir du pays, le cours de l'histoire, cette réforme, c'est d'utilité publique, quand tu commences à dire ça : c'est d'utilité publique, tu sais pourquoi tu te lèves, c'est quand même vachement cool. La famille, ça marche aussi, parce que tu as peur pour tes enfants, et la peur ça maintient en vie. Le mieux c'est faire un enfant, tu fais un enfant, t'es sauvé. T'es obligé, t'es coincé, sauf si tu te sauves. Mais si tu te sauves pas, le gosse il te laissera pas en repos. Si tu fais rien pour lui, il meurt. ça occupe, c'est cool. SDF, c'est pas mal non plus, il faut survivre, ça aussi ça occupe. Quand t'as un salaire, tu peux payer ton loyer et tout le reste, tu te retrouves comme un con, alors que le SDF lui, chaque jour, s'il ne trouve pas un endroit où dormir, de quoi bouffer, de quoi boire, il est mal, ça le booste le gars, c'est une petite entreprise à lui tout seul. 14H04. Il reste au moins 10 heures avant que je ne me couche. 10 heures, putain, c'est salaud ! Qu'est-ce que je vais en faire moi de ces dix heures. Gardez-les vos 10 heures. Moi je ne sais pas quoi en faire. Si, bien sûr, je pourrai ranger mon appartement, travailler, écrire, voir des amis, aller au cinéma ou au hammam, commencer un grand projet, appeler ma mère, répondre à mes mails. Mais j'ai pas envie. J'aimerais bien regarder mon orchidée pousser, mais elle fait ça tellement lentement que je n'ai pas la patience. Il reste les nuages. Ils ne sont pas très bien dessinés mais ils bougent un peu. De toutes façons, le temps passera, pour ça, rien ne l'arrête. Tu peux négocier tout ce que tu veux, lui, il trace sa route, imperturbable. Que ça te chante ou non. Il faudrait être mort éventuellement. Et encore. Je peux observer ça, comment le temps fait pour passer, alors que je ne le remplis pas. Je ne sais pas si c'est marrant, mais c'est intriguant. Repartir ? Oui. C'est une idée. Le voyage, c'est un moyen de se perdre sans trop s'en rendre compte. Parce que tu bouges. Et qu'il fait chaud. Et que tu tombes un peu malade. Parfois tu parles à un voyageur et vous vous comprenez. Vous buvez des coups. Et quand t'as de la chance, tu baises un peu. Et c'est beau, parce que c'est loin. Parce que vous ne vous reverrez pas. Parce qu'elle ne parlait pas la même langue. A la fin, tu pourris quand même. A la fin, ne t'inquiète pas, tu seras délivré, je te le promets.

dimanche 21 juin 2009

Une aube peut-être. Je n'ai pas trop envie d'y croire. Je pourrais encore tomber les ailes grandes ouvertes sur un sol bien trop dur. Seulement cette idée qui s'immisce : accepter mon sort. Continuer vaille que vaille. Ne pas trop s'occuper de la souffrance, ne pas lui accorder d'importance de peur qu'elle n'y prenne goût. Continuer comme si ça n'était pas là. Regarder le monde. Comment il bouge. M'efforcer chaque jour d'être présent. Comment vivre cet instant qui arrive, même avec ce poids sur la poitrine ? Cet instant, tellement anodin en apparence ; cet instant qui ressemble à celui d'hier, je peux en faire ce que je veux, le laisser passer, s'évanouir ou bien le vivre pleinement, en conscience. ça paraît épuisant comme ça, mais je suis sûr qu'il y a là l'idée d'une vie meilleure. Pour moi. Et pour ceux qui m'entourent. Parce que l'insouciance de l'enfance, de toutes façons, est partie à tout jamais. Il reste ça. La conscience aigüe. Je ne peux plus faire semblant de ne pas savoir. L'incidence de tous mes actes. De chacune de mes paroles. De mes pensées également. La responsabilité. J'ai le choix, à chaque instant, de donner au maximum de ce que je crois être le moins pire. Je peux aussi être paresseux. Et ma vie sera à cette image. Vaine. Et ce n'est évidemment pas dans les grandes choses, dans les entreprises extraordinaires, mais bien dans ces détails de la vie quotidienne, qui parlent de respect, d'accueil, de générosité, d'amour. Surtout quand ce n'est pas facile.

lundi 8 juin 2009

Comment font-ils ? Comment font-ils ?
Ils se lèvent et agissent. C'est merveilleux. ça marchait pour moi aussi avant. Agir. Faire. Un truc. N'importe quoi. Y croire. être heureux de ça. Tout simplement. Et aujourd'hui, je constate cette immense lassitude. Et ce vaste jour. Si vaste. Et quand il s'achève, quand il agonise enfin, je regarde son cadavre très laid et je me dis : encore un. Pourquoi est-ce que je ne crois plus à rien de ce que je fais ?
Je pourrais bien m'obliger. Un flingue sur la tempe, un pied au cul. ça marcherait peut-être. Bordel. Une histoire de cul. Une histoire d'amour. Une guerre. Un truc. N'importe quoi qui m'occuperait et me ferait me sentir en vie. J'ai l'impression d'une supercherie. Je ne suis pas vraiment là. Tout ça ne m'intéresse pas vraiment. Je peux me fabriquer des envies, oui, ça je peux ; je peux dire aux autres, au Social : je suis ça ou ça et ça le rassurerait ; je peux même y croire moi-même. Je peux accomplir des choses. Les montrer. Regardez ce que j'ai fait. C'est beau, hein ? Je suis bien, hein ? Mais en fait je m'en fous. Je pourrais aider les autres : la solidarité, me retrousser les manches, sans même me soucier du regard des autres, juste par compassion. Mais, en fait, je m'en fous un peu. Et je ne sais pas ce que c'est qu'aider. Qui aide qui ? Comment tu fais pour aider toi ? Est-ce que ce n'est pas l'inverse qu'il fallait faire. Et faudrait commencer à s'aider soi-même, non ? Si on peut.
Pas de possibilité de me raccrocher à une certitude, une idée, une direction.
Il reste mes filles. C'est puissant la filiation. Je ne sais pas pourquoi. Avec elles, je suis un peu présent à la vie. Sans me forcer. Parce qu'elles sont là, c'est tout.

Pardon à mes quelques lecteurs. J'ai honte de m'epancher ainsi. Mais ça m'aide un peu. Sans vous, je ne le ferai pas. Mais je trouve ça en même temps indécent et pathétique. Je ne sais pas très bien pourquoi j'ai besoin de cracher devant vous comme ça. Il paraît que c'est thérapeutique. C'est surtout dégueulasse. Je n'ai pas très envie d'écrire ici et je le fais pourtant, comme un exutoire.

samedi 6 juin 2009

Voilà, voilà, il fallait chercher un sens. Sinon, ce serait trop affreux. Tous ces jours entassés dans la poussière de l'éternité, inutiles et stupides. Et nous les pantins de cette farce.
Alors le sens je l'ai cherché, je le cherche, je le traque, je m'en suis fait une mission. Je crois l'avoir trouvé que déjà, le saligaud, il glisse, le narquois, pied de nez, pieds en l'air et j'te pisse à la raie. Et il rigole, il rigole, plié en deux, de m'avoir trompé. Bien, bien, puisque ce n'est pas ici, c'est peut-être ailleurs. C'est que mon Moi pèse lourd chaque jour, le Moi glouton, le Moi qui veut sa dose, le toxico. Il s'est donné de l'importance, il veut exister : voyez-vous messieurs dames, dès lors que vous m'avez donné l'existence, je veux exister. Par tous les moyens. Car tous sont bons. Vous me faites exister. Regardez-moi. Faites-moi pousser. Admirez-moi. Gratitude et amour béat. Je suis par vous. Vous êtes par moi. Bon deal.
Et chaque jour, ça recommence. ça occupe l'existence.
Mais si ça s'en va ? Qu'est-ce qu'il reste ? Si je m'en fous ? Qu'est-ce qu'il reste ? Des jours. Plein de jours. Ou peut-être pas tant que ça. Je dois donc vivre le jour. Voilà. Si je me lance dans une oeuvre, l'oeuvre d'une vie, avec une certaine idée de mon importance, de ma mission, c'est cool, oui, ça, ça occupe bien. Si je me fais chier dans une vie de couple, avec plein de conflits et de sales compromis minables, c'est cool, ça occupe. Si je fais un travail très prenant, très fatiguant (intéressant ou pas, on s'en fout) c'est cool, ça occupe.
Mais si je ne fais rien de tout ça, qu'est-ce qu'il reste ? Je crois bien qu'il reste la terre. La terre tout simplement. Marcher et puis c'est tout. C'est sans doute ce qui m'irait le mieux. J'ai encore quelques trucs qui m'occupent pour le moment. Mais après, je me vois bien marcher au-devant de ma mort, tranquillement, en parcourant les plaines, les montagnes et le long des mers. Puisque c'est ce que nous avons à faire ici-bas : marcher au devant de notre mort.

mardi 19 mai 2009

- Allez, c'est parti, la question qui tue : de quoi tu as envie vraiment ?
En face. De toi à moi. Sans ambages.
- oui, oui, je sais où tu veux en venir. Je connais tes discours ; je connais tes manipulations.
- T'aurais voulu être un artiste ? Voir ton nom en plus grand que n'importe qui ? T'aurais voulu être une star peut-être ? Gagner de l'argent. Qu'on te reconnaisse dans la rue ? Non, laisse-moi deviner, tu voulais faire du cinéma, juste ça, faire du cinéma, faire l'acteur...Avoir une carrière d'acteur. Une jolie carrière avec plein de beaux rôles dedans et t'aurais pu les regarder et tu te serais dit, comme ça silencieusement, dans ton modeste moi intérieur : ça c'est moi qui l'ai fait ! C'est ça ? Vincent Cassel, est-ce que ça te va, avec Monica en prime ? Ou Romain Duris ? Dis. Vas-y ! Choisis. Et en plus, dans ce joli monde du cinéma, tu aurais même pu te payer le luxe d'être simple et gentil, elle est pas belle la vie ?
- Un jour, tu me dis : il faut se battre, il faut vouloir mieux. Si je n'ai pas atteint l'objectif, c'est que j'ai eu peur de le regarder en face, j'ai fait semblant de vouloir l'atteindre. Donc, à partir de maintenant, je visualise vraiment un objectif si je veux l'atteindre. Je ne me mens pas.
Un autre jour, tu me sers que, en fait, non, mais pas du tout, beaucoup plus simple, en fait je n'avais pas vraiment envie de tout ça, en fait, j'aspire à une vie simple, donc, j'ai précisément ce que je voulais, alleluia !
- C'est toi qui vois.
- C'est tout vu, tu es plein de sollicitude et de bonne volonté je vois bien, mais tout ça, c'est mouvant. Il y a sans doute un peu de vrai dans tout ce que tu dis. Mais la vérité est glissante, elle ne se laisse pas aussi facilement attraper.
- de quoi tu as envie ?
- je ne sais pas très bien. Je sais que je n'ai pas très envie de me battre comme je le fais depuis tant d'années. Etre sur le front, sur les barricades. Gueuler plus fort que les autres. Pour une grande cause. La mienne. Au péril de ma vie, mais quand la cause est juste, sacrifier sa vie, c'est beau... C'est surtout stupide.
- je ne te le fais pas dire.
- je suis fatigué. Je ne suis même pas sûr d'avoir envie de tenir une vérité rassurante dans mes mains, un truc tout beau, bien construit, grâce auquel je pourrais me dire : ah c'était donc ça, ce n'est pas de ma faute alors ?
- délivrez-moi de la responsabilité ! De la culpabilité aussi peut-être...
- Ouais, toujours ce spectre de l'échec. Le truc appris socialement. Et puis se comparer, voir les autres, les "ceux qui ont réussi" avec leur agenda surgchargé et qui ne savent pas très bien comment choisir entre deux projets passionnants. L'abondance. Et le passeport social qui est censé faire mieux dormir (censé, parce que le plus souvent, c'est con, mais ça marche même pas).
- tu es jaloux ?
- Ouais, c'est bien possible. C'est moche, mais je crois bien que ça me fait des pincements pas beaux à l'intérieur, des "pourquoi pas moi ?".
- mais toi, toi, ce que tu fais, ce que tu aimes, ce que tu construis, ce que tu imagines, est-ce que tu lui accordes une valeur ? Indépendemment de toute reconnaissance.
- Oui.
- Alors, c'est de te comparer qui te rend malheureux ?
- Possible.
- Cesse. Tu es unique bonhomme. Unique avec tes qualités, tes maladresses, tes insuffisances. Tu n'es ni pire ni mieux que ce que tu es. Tu es. Il n'y a qu'une seule chose que tu dois être au maximum, c'est être sincère. Continuer à faire ce que tu aimes faire, sans te soucier du reste. Car le reste mon ami ne dépend pas de toi.
- Oui, oui, je me le répète souvent. Mais c'est dur. Je suis si souvent rattrapé.
- Tu es capable. Je le sais. Tu peux lâcher. Lâcher vraiment. Tu as le droit de te reposer et de jouir de la vie. Tout simplement.
- Oui ?
- Oui.
- Là, aujourd'hui, je te crois. Je pense même que je suis d'accord. Je pense même que je pourrais presque y arriver sincèrement. Mais j'ai encore peur d'une sorte de renoncement, une sorte de lâcheté. Comme si j'abandonnais le champ de bataille.
- Tu te rends compte des termes que tu utilises. Tu as vraiment encore envie de faire couler du sang ? Le tien et celui des autres.
- Je ne sais pas. Je dois encore réfléchir.
- Il y a beaucoup de choses à désapprendre. ça met du temps. Prends-le ce temps. Le tout, c'est de se poser. Et de ne plus subir le mouvement, en s'illusionnant sur l'idée qu'on en est à l'origine.
- Ok. Vaste chantier encore.
- Yes sir !



Peut-être que j'y suis, peut-être.
ça cogne à la porte comme une rengaine.
Lâche, ça dit ! Lâche prise. Dessous, c'est le vide. Tomber, je veux dire complètement. Tomber pour ne plus tomber. Parce qu'il y avait toutes ces vérités servies, y'a plus qu'à se servir ; tous ces masques et tu vois, tu fais bien comme on t'a dit, comme maman t'a dit, comme voudrait papa, comme tous les gens qui te regardent, tu as vu, par la fenêtre dehors ; fais comme on t'a dit ; fais comme tu as compris que tu devais faire, marche sur la ligne et cesse de regarder les oiseaux comme ça, c'est agaçant !
Tomber, voler, voilà qui est intéressant, ne toucher terre, ni par la main, ni par le pied, et rigoler, je veux dire, rigoler vraiment, parce que c'est plus intéressant.
Pas possible dit la grande voix, pourquoi pas répond la petite. Pas possible, pas possible, pas possible. Accroche-toi, bats- toi, ne renonce pas, jamais, pense à ton grand-père et aux pères de tes pères ! Tu seras un homme mon fils, un homme avec un bureau et un compte en banque, un cancer peut-être aussi, plus tard, beaucoup de soucis et une importance que tu pourras montrer comme une carte de visite : c'est moi, je suis ce que j'ai accompli, ce gros château là-bas et je ne vois pas la marée qui monte.
Tomber, planer peut-être, voir tout d'en haut, si petit, si ridicule, planer pour le plaisir, sans destination ni frontière et saluer quelques oiseaux de passage.
La tentation est grande. Mais il faut être raisonnable n'est-ce pas. Il est temps de faire quelque chose de ma vie, un amalgame, un objet, un cadeau, quoi ? Le poser, le regarder, me masturber. Cool. Une image. C'est sans doute ceci, une image à regarder. Je suis cette image. Je suis cette personne. Enfermez-moi dans une cage et lancez-moi quelques cacahuètes. Je les grignoterai avec un verre de porto en arborant mon air important.

Il fallait arriver quelque part et là on aurait été bien, on aurait atteint le rivage et on aurait pu poser nos bagages. Il fallait dire : j'y suis arrivé. J'ai réussi. Je suis là où je voulais aller. Et maintenant se reposer en écoutant la mer. Mais je n'ai pas su arriver. Je manque de conviction pour arriver. Je ne dois pas trouver ça assez important tout ça. Je n'ai pas assez envie de jouer le jeu.

Il est temps de décider. Les phalanges encore crispées. Tout est possible. Et c'est vertigineux.

mercredi 29 avril 2009

ça recommence.
J'ai pris la brèche.
L'envie de bien faire.
Relancer la machine.
J'ai respiré un peu mieux. J'ai espéré. ça revient, j'ai pensé. La vie. Comme tout le monde. Comme avant. Tout doucement. J'ai dit : attention, t'emballe pas mon coco. ok, y'a des motifs d'espoir. Mais t'emballe pas. Je me suis un peu emballé quand même.
Et puis, ça retombe. Bien sûr.

Où t'en es ?

J'en suis là où il y a tellement peu d'envies que je me fais peur.
J'en suis à refuser tellement le système dans lequel je vis, que je ne sais plus bien ce qui me reste.
Je me dis que toutes mes tentatives de me raccrocher, toutes mes envies de bien faire, mes envies de rester dans le rang malgré tout, risquent de se faire balayer par une vague très puissante, que je sens au fond de moi.
ça me fait un peu peur évidemment. Je n'ai plus envie de jouer le jeu social. Il faut bien vivre dit une toute petite voix faiblarde en moi. Ouais. Peut-être.
Est-ce que c'est de la paresse ? Ou un problème de conviction ?
Les deux mon général. Mais d'où vient la paresse ? Du manque de conviction vraisemblablement.
Je vois tous ces gens qui croient en ce qu'ils font. Je me dis : c'est admirable.
Je pense que c'est plus grave qu'une mauvaise passe. Je pense que je n'ai pas envie de vivre la vie qui m'est proposée.
Pourtant ne pas la vivre serait me condamner à ne plus voir mes filles ou trop peu. Parce que je serais obligé de vivre ailleurs. Seul truc qui me raccroche à la nécessité de ramener du fric. Payer le loyer. Par n'importe quel moyen.
Je ne crois plus en ce que je me suis construit. Ce que je dis à mon entourage. Je vais faire ceci. ça me rapportera tant. Et puis ça permet de faire bouger un peu plus les choses.
En fait, j'm'en fous un peu. J'ai pas vraiment d'empathie. Sauf quand je suis en présence. Dans l'instant. Là, j'oublie un peu tout, j'apporte ce que je peux, indépendamment de l'idée d'efficacité. C'est juste le principe de solidarité.
Mais je ne peux pas en faire un système de vie. Une direction. Parce qu'au fond, je n'y crois pas plus que ça. Il y a tellement de bifurcations. Le bien produit le mal. Le mal produit le bien. Même si, même si, oui un peu quand même...

Il faudrait se raccrocher à quelque chose, j'en ai bien conscience. Mais je n'arrive même plus à tricher avec moi-même. Juste un peu avec les autres encore.

Y'a peut-être un tournant à prendre, une bifurcation, accepter de lâcher prise encore plus. Affronter ce qui m'effraie ; chercher la cohérence.

En tout cas, le reste ne prend pas. Farce. Je ne parviens pas à m'abuser.

Parce que je ne lâche pas complètement, parce que j'ai encore peur, l'espace ne peut pas s'ouvrir. L'endroit que je peux remplir. En liberté. En cohérence. L'instance qui me dirige me prive peut-être d'énergie et d'envie pour cette raison. Que j'aille au bout.

Ce n'est encore qu'une idée.

samedi 18 avril 2009

A cet instant de la réflexion, je suis obligé de parler de ce que j'avais soigneusement omis de mentionner jusqu'à maintenant.

J'ai 21 ans. Je décide, contre l'avis de mes parents, contre l'avis très véhéments de mes grands-parents, de me lancer dans le théâtre : je serai comédien.
4 ans de cours. 4 ans de bonheur et d'insouciance. Premier écueil : le système de sélection avec le conservatoire national : la clé ou pas la clé. Pas la clé. Comme tous les grands concours, il est préférable de le préparer avec le plus grand soin et d'être bien entouré. Comme tous les grands concours, les jeux sont déjà un peu faits ! Ceux qui nagent dans le milieu ont plusieurs longueurs d'avance. Il y a 20 places et plus de 1 000 prétendants.
Qu'à cela ne tienne, j'ai de l'énergie à revendre, je monte une pièce. Je suis confronté à la dure réalité de la communication, du marketing, de l'économie. Je suis en train de jouer à un jeu, dont je ne connais pas les règles. Je pense que l'envie, l'enthousiasme, le talent (?) suffisent. J'enchaîne les succès d'estime. Je commence à mieux comprendre le système et je me lance dans le grand jeu de la recherche de subventions. Je grapille quelques subsides. Mais je ne suis pas assez politique pour l'exercice. Seul m'intéresse l'objet théâtral. Je suis attiré par un ami dans la course à la gloire et la notoriété (je ne me suis pas fait beaucoup prier). L'idée est de se faire remarquer par un producteur, par un diffuseur, par un Puissant... Le parcours est terrible. On y perd son âme et jusqu'à une partie du plaisir de jouer. Il faut plaire à tout prix. Etre le meilleur. Faire les auditions. Tenter de grapiller un passage en télé. S'épuiser littéralement à espérer une main qui n'arrivera jamais. Je me suis égaré. J'ai cédé aux chants des sirènes. J'ai été puni. Trop d'années à m'épuiser. Et le retour est cinglant sous forme de lapalissade : si je n'ai pas réussi, c'est donc que j'ai raté. Le raccourci est vite trouvé : c'est donc que je suis un raté. Balayés les sentiments de fierté pour l'objet créés, balayés les joies du public, balayées les salles hilares, balayé le plaisir de créer, le plaisir de jouer. Il fallait réussir. A tout prix ! Qu'est-ce que réussir ? C'est comme la nouvelle star, tout pareil. Il faut devenir le choisi, celui qui pourra exercer son métier dans de bonnes conditions, être décemment payé et avoir la reconnaissance du public (mais pas nécessairement de ses pairs).
Chercher à atteindre ce graal fait trouver des trésors d'énergie et paradoxalement procure un moteur très puissant pour créer et agir. Mais gare à la chute. Si on n'atteint pas le but envisagé, c'est comme si tous ces efforts étaient anihilés d'un seul coup et quand l'énergie vient à manquer, on se retrouve vidé. Anéanti. Renvoyé au néant. Je ne suis rien. Puisque j'étais ce que je faisais. Et que je n'ai pas atteint ce que je voulais. Et que je n'ai aucune énergie ou envie pour autre chose.
Voilà la grande perversité de ce système, le piège dans lequel je suis tombé. Tout est affaire, encore une fois, de la manière dont on se positionne.
Aujourd'hui, certes les réservoirs sont vides, mais je pense qu'en me repositionnant, je peux espérér retrouver de l'envie.
L'idée est de partir du plaisir de faire. Uniquement ça. J'ai été dans ce bonheur de faire. Quand je n'avais pas de prétention. Ce n'est pas un bonheur au rabais. Ce n'est pas dégradant. Je peux "réussir" à la hauteur de la fierté que j'éprouve face à la qualité de l'objet créé, que j'estime avoir atteinte.
Je creuse cette idée depuis quelques mois. Et mon pire ennemi, celui qui revient sans cesse est le sentiment d'échec. Si je le laisse gagner, je suis foutu ! C'est lui qui bloque l'envie. Le fameux : "A quoi bon ?", "de toutes façons, j'ai tout raté !" Mélange d'orgueil et d'attitude infantile.
Le combat n'est pas gagné. Je ne dois pas le perdre de vue !

mercredi 15 avril 2009

Peur de manquer. Peur de ne pas subvenir aux besoins de mes filles.
Culpabilité vis-à-vis d'elles. Peur du scénario catastrophe. Et fascination aussi par rapport à ce scénario. Manière de lâcher vraiment.

Allons jusqu'au bout. Je laisse "aller". Je ne fais rien. Mes enfants sont récupérés par leur mère. J'ai un endroit où loger. Je peux même intégrer une communauté. Je ne suis pas obligé de vivre l'horreur SDF.
Je ne vois presque plus mes filles. C'est socialement grave. Pour moi ? Je ne sais pas. Je n'arrive plus à distinguer le social de ce que je ressens vraiment. Je ressens ce que je me dis que je dois ressentir en pareille circonstance.
Est-ce intéressant surtout ?
Se pose la question du "faire". Qu'est-ce que je veux faire de ma vie ? Est-ce que j'ai envie de faire quelque chose de ma vie ?
Plutôt non. Jusqu'ici, j'ai répondu à des impératifs sociaux et familiaux. Aujourd'hui, ces impératifs ne me touchent plus guère. Je suis uniquement touché par la nécessité et par l'idée que peut-être je peux faire souffrir mes enfants. Qui n'est pour l'instant qu'une idée. Mais est-ce que profondément elles ne souffrent pas davantage de vivre une semaine sur deux avec un père sans goût de vivre ?
Je m'approche de ce feu sans doute à dessein. J'ai peut-être besoin de tomber comme Icare.

Je sais que j'ai toute une batterie de moyens, même de l'ordre de l'assistanat, qui sont là pour m'empêcher de "tomber" justement. Mais ce qui m'intéresse, c'est pourquoi je me suis approché si près de cette idée.

Se repose la question du "faire". Qu'est-ce qui donnerait sens ?
La tentation la plus grande encore une fois est d'arrêter de faire. Il semble que cette option ne m'amène pas de contentement, bien au contraire. A moins d'avoir la force mentale de l'ermite et de trouver un sens dans la méditation. Il semble que ce ne soit pas mon cas.
Je pourrais me lancer dans toutes les activités qui pourraient satisfaire mon égo et mon compte en banque. Mais l'égo commence à s'en foutre grave. L'égo s'estompe, jusqu'à, je l'espère, finir par disparaître. L'argent n'est pas un moteur suffisant. Même si je conçois que c'est un moteur plus intéressant que l'égo. En tout cas, il n'est pas assez puissant pour me pousser à l'action.
Reste le domaine de l'altruisme.
Aïe ! Je suis assez vigilant pour m'apercevoir justement de tous les pièges de l'égo dans cette exercice. Et puis, il y a ces maximes terribles : le mieux est l'ennemi du bien. L'enfer est pavé de bonnes intentions.
La meilleures action possible reste l'action simple : agir pour survivre et vivre ensemble.
Je ne veux pas pour autant travailler. Je veux bien cultiver mon jardin en revanche. Et jouer aux cartes. Je veux bien aller cueillir les fruits de la nature et chanter. Je veux bien pêcher et danser autour du feu. Je veux bien construire une maison et faire des peintures ou des sculptures.
Sans jamais rien attendre. Pour le plaisir.
Voilà sans doute ce que je souhaite réellement. Sans doute. Je me méfie de mes constructions mentales.
Voilà ce que notre société ne nous permet pas. A moins de se couper du monde et de rejoindre une communauté ou d'en créer une.
Mais je n'aime pas l'extrémisme de ces communautés. J'aime aussi profiter du progrès. Même si je n'aime pas les moyens utilisés pour y parvenir.

Conclusion : je suis dans la merde.

En attendant ce jour (comme dirait Zongra), quelles solutions s'offrent à moi pour ne pas plonger dans la mélasse du désespoir (comme penserait Stig Dagerman) ?
Si je travaille correctement, si je me renseigne convenablement, si je ne pars pas bille en tête en pensant avoir raison (comme ça m'est arrivé trop souvent), si donc, je ne me laisse pas gagner par l'arrogance, je peux peut-être essayer de soulager un tout petit peu, à ma manière, grâce à ce que j'ai reçu, quelques souffrances. Cela aurait sans doute un peu de sens. Si je sens que mon action est bonne et sincère. Si je sens que j'apporte un réel soulagement.
Je peux agir (en continuant à apprendre et en essayant de transmettre) sans que mon action m'apparaisse vaine. Et ne pas attendre d'être "vraiment prêt" pour le faire, car je ne serai jamais "vraiment prêt" ; et puis j'apprends en faisant.
Je dois repenser à cette parabole lue quelque part :
un homme se promène sur une plage où des millions d'étoiles de mer sont en train de crever au soleil ; à chaque pas, il en rejette une à la mer. Un autre homme arrive et lui dit : "A quoi bon ? elles sont trop nombreuses, ça ne représente aucun intérêt. Le premier, tout en lançant une nouvelle étoile à la mer lui répond : "pour celle-ci, ça a de l'intérêt."


lundi 30 mars 2009

Je parlais de l'humilité.
Chez les grecs de l'antiquité, le plus grand pêché, c'est l'ubris = la démesure, l'orgueil, l'ambition démesurée. J'ai été frappé par cette notion, adolescent, quand je l'ai croisée. Aujourd'hui il me semble que la société toute entière cultive l'ubris, pousse à l'ubris. Point de salut hors l'ubris. Et pouvoir d'achat. Et ça va un peu ensemble.
Je suis un individu de cette société. Je ne peux pas en faire abstraction.
Un mal-être peut avoir comme origine le fait, inconsciemment (et petit à petit de plus en plus consciemment) de vivre selon un schéma avec lequel je ne suis profondément pas d'accord.
Le message est : deviens le plus fort !
L'école est construite sur ce schéma. Tu travailles, tu as de bonnes notes, tu franchis les échelons. Tant mieux pour toi. Dans le sens inverse, C'EST DE TA FAUTE ! Tu devais travailler. Les règles étaient simples et simplement édictées. Donc, tu es puni pour ta paresse, ton incompétence, ton manque de talent, de facilité ou d'aide à la maison.
ça commence là et nous passons TOUS par cette formidable moulinette.
CONDITIONNÉS jusqu'à la moëlle !
Donc le message est : sois le plus fort ! Réussis ! Gagne de l'argent ! Fais-toi la meilleure place possible dans la société ! Aies une bonne situation !
= ETRE HEUREUX.
J'ai enregistré le message dans toutes les strates de mon cerveau.

Et donc, et là je m'aventure sur un terrain que je ne connais pas (va falloir que je me renseigne quand même), si je vis en adéquation avec le message, je peux m'autoriser à être heureux (oui, le bonheur serait une histoire d'autorisation plus que de circonstances) ; si, en revanche, "j'ai le malheur" de ne pas avoir réussi à atteindre les objectifs fixés par le message, la pression mentale va être énorme pour me convaincre que je ne peux pas être heureux.
Et, la société entière (ou presque) le confirmera.
Je suis ce que je dis que je suis.
Les politiques parlent par exemple du pouvoir d'achat comme si c'était un critère de bonheur. Alleluia !!
Il me faut une énergie mentale énorme pour nager à contre-courant. Et je sais que je serai particulièrement isolé. Et que la plupart des gens avec qui je partagerai des élements de ma vie voudront me faire revenir dans le droit chemin. Accepter la possibilité d'une alternative c'est aussi accepter l'effondrement de l'édifice de sa vie. C'est beaucoup trop dangereux. L'autre se trompe nécessairement.
A creuser...