lundi 23 mars 2009

- Qu'est-ce que tu penses vraiment de tout ça ?
- je suis un peu perdu. Je crois que la morale n'est jamais très loin.
- c'est-à-dire.
- c'est mal. C'est mal de "baiser".
-Est-ce que tu baises ?
- Non. Je n'y arrive plus. Je ne bande plus quand la situation se présente. Ou à peine. Pas assez en tout cas.
- parce que c'est "mal" ?
- Je ne sais pas. Peut-être. Et puis, ça ne m'excite plus. Plus comme avant je veux dire.
- Avant, il y avait le plaisir de la transgression. Parce que c'était "mal" justement ?
- Oui, peut-être. Sans doute.
- Donc, on peut imaginer que c'est l'inverse et que si ça ne t'excite plus, c'est parce que ce n'est plus aussi "mal" dans ta tête.
- Peut-être. Je ne sais plus bien. ça se mélange.
- et quand tu n'es pas dans un club ?
- c'est extrêmement rare...à cause des malentendus. Je ne veux pas y jouer. Mais mon dernier souvenir était...évident. Il y avait quelque chose d'évident et de beau. Nous faisions l'amour. Et je l'aimais à ma façon.
- Ce n'est donc pas le sexe qui est une mauvaise chose en soi.
- Non. Je suis dans une communion, dans un partage avec une personne que j'aime (encore une fois à ma façon, pas nécessairement pour un engagement sur le temps ou une promesse de couple). Mais c'est très rare comme je le disais. Donc je vais chercher ma dose dans les clubs.
- Et ce genre de moments "d'amour" n'arrivent pas dans les clubs.
- Je peux essayer de "jouer l'amour" pour ressentir quelque chose. Je triche avec moi, avec l'aide de l'alcool. Sauf encore, en de très rares occasions où je vis une sorte de complicité.
- Bon alors, qu'est-ce qui te dérange ? Le fait de ne pas bander ? Le fait de tricher avec toi pour y arriver.
- Les deux. Ne pas bander, c'est voir mon corps me trahir. J'ai envie de lui dire : franchement, ça n'est rien de plus qu'une branlette améliorée. Mais il ne semble pas d'accord avec ça. Il met une censure. Comme si, dès lors que je partage une intimité physique avec quelqu'un (quand je me branle, je suis tout seul), il faudrait une dimension sacrée. Ce n'est pas la sphère du cul qui est problématique, c'est l'absence de sacré. Je crois que je ne peux plus accéder au plaisir sans cette sorte d'humanité dans le sexe. Et donc, si je ne sens pas la personne avec qui je fais ça, si il n'y a pas un véritable échange, mon corps me laisse tomber. Débrouille-toi sans moi !
Et quand je triche, histoire de lui arracher une bout de satisfaction, après j'ai un peu un sale goût dans la bouche ; je ne suis pas très fier de moi. L'impression d'avoir obtenu mon plaisir avec des moyens pas très légaux.
- Bon, tout ça n'a pas grand-chose à voir avec la morale.
- En fait, souvent, en sortant de club, je me dis, bon, là, j'ai compris, j'arrête. Il m'arrive même de rêver à ce que je vais pouvoir faire en économisant cet argent (on fait ça parfois quand on arrête la clope). Et quand je me le dis, je suis presque sûr que je vais le faire. Souvent après une soirée désastreuse. Où j'ai été sommé de bander sans pouvoir m'exécuter. ça a quelque chose d'assez humiliant ! Je me dis : c'est bon, là, t'as compris. Tu es dans un endroit où on baise et toi, tu n'y arrives tout simplement pas. Donc, cet endroit n'est pas pour toi. C'est assez limpide. Et puis, j'y retourne toujours...un mois plus tard, quand le temps a estompé le souvenir. Et je m'en veux un peu mais pas trop. Et comme parfois, ce n'est pas aussi désastreux que la fois d'avant, je me rassure.
- Tu souffres de t'abandonner à une addiction qui ne te donne même pas de plaisir ou pas tellement, et en tout cas pas à chaque fois.
- Oui. Je trouve ça un peu stupide. Et pourtant je ne peux pas m'en empêcher. Comme si je voulais retrouver mon paradis perdu. Quand ça me procurait une excitation immense.
- à la hauteur de la transgression.
- oui.
- mais ce n'est plus interdit dans ta tête.
- c'est ça.
- alors tu vas aller chercher un autre truc qui lui est interdit.
- peut-être...
- Tu as arrêté de fumer ?
- Oui.
- C'était dur, mais ça a été possible.
- oui.
- ça ne te manque pas tant que ça aujourd'hui.
- C'est vrai.
- Et fumer était quelque chose qui te donnait davantage de déplaisir que de plaisir (je parle de plaisir réel et non le plaisir fantasmé).
- oui.
- ça y ressemble.
- Oui. Mais puis-je vivre sans sexe ?
- Est-ce que l'idée de l'obligation d'avoir des rapports sexuels (puisque c'est cela dont on parle) n'est pas justement une idée sociale ? ça ne veut pas dire que ce n'est pas difficile, mais la masturbation permet d'assouvir le besoin immédiat.
- On n'est pas en train de retomber dans un truc moral là ?
- On parle de plaisir réel, de plaisir qui fait du bien avant, pendant et après. Or, une addiction (et ça a bien l'air d'en être une) a un coût en matière de déplaisir. A tenter. Et en tirer les conclusions empriques : tu te sens mieux ou non.
- je vais réfléchir.
- En attendant, ne rajoute pas la flagellation au malaise. ça fait double peine, c'est un peu beaucoup. Toute addiction est difficile à repousser. Le premier pas est d'admettre que c'est une addiction.
- ok, c'est assez pour aujourd'hui.

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