lundi 9 mars 2009

- accepter que je suis "réduit" par la dépression. Pareil que la grippe.
- accepter que c'est bien une dépression.
- accepter la perte d'énergie.
- accepter la perte de l'envie.

le temps de la colère et de la révolte semble être passé.

- prendre ou non des médicaments. Pour l'instant non. J'en prendrai si je n'ai plus le choix. Je comparerais ce moment de "ne plus avoir le choix" à celui où on reprend sa respiration en apnée.
- essayer de ne pas me plaindre auprès de mes proches. De l'utilité de cet endroit...
- Accepter d'avoir peur. Peur que ce soit toujours ainsi. Que ma vie soit devenue une longue attente de la mort. Et donc d'une forme de délivrance. Ce serait terrible. Je vis dans l'espoir que ça s'arrête.
- ne pas culpabiliser de ne pas avoir de projet ni de volonté. Je sais à quel point je peux en avoir quand "c'est là". Si "ce n'est pas là", qu'est-ce que ma pauvre petite volonté peut bien y faire ? C'est comme de vouloir démarrer une voiture sans essence. Je vais essayer de ne pas me ridiculiser à tourner la clé sans cesse.
- continuer à chercher (comme Oedipe) quitte à découvrir d'effroyables vérités. Je n'ai plus que ça : la quête de la vérité. Ne pas avoir peur de regarder toutes les réalités en face. Je ne dois pas tomber dans l'illusion que cela me rendra ma joie perdue. Mais puisque je suis encore vivant, puisque je suis dans le monde, je peux essayer de savoir mieux.
Le premier temps est de savoir d'où je viens. Ma mère et mon père. Depuis trop longtemps, je vis dans l'illusion de l'équilibre. Il y a bien les brèches. Les moments où nous plaisantons sur nos pathologies familiales. Mais l'humour sert de paravent. A- t'on le droit, sans craindre de voir l'édifice s'écrouler, de dire : ma mère est vraisemblablement malade psychiquement et mon père en a profité pour cultiver un masochisme qui ne demandait qu'à s'épanouir ?
Moi je ne me suis pas arrogé ce droit. J'ai préféré me bercer au rire et au sourire de ma mère. J'ai préféré garder en souvenir les ballades à ski de fond auprès d'un grand gaillard de père, heureux pour une fois...Et ma joie de vivre, mon enthousiasme, mon énergie, ma vitalité m'on toujours permis de repousser les assauts du désespoir. Ceux-ci disparus reste...le désespoir. Je ne vais pas faire semblant de croire que je suis surpris. Je le connais bien. Depuis longtemps. Je m'en étais confectionné un joli manteau romantique à la Werther. ça plaît à certaines filles !
Aujourd'hui ce n'est plus un manteau, c'est une chappe de plomb !
Donc, je regarde mes géniteurs. Une thèse circule selon laquelle on choisirait l'endroit où on naît. Parce que l'âme aurait certains trucs à travailler. L'idée c'est de bosser pour l'humanité toute entière dans un courant universelle historique. Nous serions tous les instruments du salut de l'humanité au cours des siècles. Et vu qu'elle trimballe son lot de saloperie l'humanité, y'a du boulot.
Je reviens à mes moutons. Parce que pour l'instant, c'est la seule chose qui m'intéresse. Pourquoi aurais-je choisi ces deux-là, et surtout ces deux-là ensemble ?
Partons de ce que j'ai reçu, disons, en cadeau ; il y a le respect, la politesse, le souci de l'autre, la joie de vivre, la capacité à s'émerveiller, l'ouverture d'esprit, le progressisme, la sensibilité au Beau, la gentillesse (mais je me méfie de cette notion...tellement traître). Merci papa et maman.
Maintenant voyons ce qu'ils me permetterait de bosser (douloureusement) : là, faut revenir au début. Le fameux schéma. Garçon. Le 3ème enfant. Milieu bourgeois. Père agriculteur. Mère mariée très jeune (18 ans ça calme). Premier enfant à 19 ans (ça re-calme). Née dans un joli manoir en Normandie de parents bourgeois traditionnalistes, catholiques intégristes. Déjà, le fait de l'écrire, c'est une manière de ne plus me le dissimuler davantage (même si ça fait mal). Ils ont beaucoup aimé ma mère. Mais on l'a quand même envoyée chez ses cousines pendant deux ans à une centaine de kilomètres, à l'âge de 8 ans, pour une raison que je n'ai pas retenue (mais qui dans mon souvenir ne semblait pas valable). Elle ne voyait presque plus ses parents. A 17 ans, elle fait une dépression nerveuse. Manque tout juste d'être internée. Et à 18, elle se marie. Mon père m'en a reparlé l'autre jour, comme "ultime argument". Manière de dire que tout était dit. Ma grand-mère : figure autoritaire à l'ancienne. Dans le devoir jusqu'au cou. Rigide à se casser tout le temps le genou et à crouler sous les maux de dos. Elle aime ma mère plus que tous ses autres enfants. Ce lien d'amour permet aux névroses de mieux passer. Dommage. Le mieux est l'ennemi du bien. L'amour peut véhiculer de la merde à un point inimaginable.
Pour ma grand-mère, il n'y a qu'une Vérité. Celle de l'Eglise. Celle de la Loi de l'Eglise (mais à l'ancienne). Hors la loi, point de salut. Jusqu'à se couper de ceux qu'on aime. Sens du sacrifice. Je n'arrive pas à savoir si elle est parfaitement sincère ou si elle s'est auto-suggestionnée au point de croire à ce système qui doit bien l'arranger et surtout qui la protège de tout questionnement trop embarrassant (par rapport aux violences qu'elle-même a dû subir enfant). Notre imagination est sans limite quand il s'agit de sauver notre peau. Alors l'Eglise catholique ou l'Islam c'est pratique. Tout est dit. Y'a qu'à suivre les instructions. Plus aucune initiative personnelle. Disparu l'atroce obligation du choix ! Y'a plus qu'à se réferer au Manuel. Exemple : je ne reçois pas mon petit-fils, la femme qu'il aime et ses enfants si ils ne sont pas mariés. Et ce qu'il y a de pratique, c'est qu'il n'y a pas à discuter, c'est dans le Manuel ! Et en plus, ce qu'il y a de génial avec ça, c'est qu'on est absolument pas responsable de ses actes. C'est pas moi, c'est le Manuel ! J'ai toujours eu un problème avec l' intelligence de ma grand-mère. Je me suis dit qu'elle était trop intelligente pour adopter une position aussi stupide. J'ai compris à présent qu'il s'agit de protection inconsciente. Mon grand-père s'est fait entraîné dans le mouvement avec délice, parce que lui était vraiment limité. Et fou amoureux de ma grand-mère. Qui a pris le pouvoir petit à petit sur lui.
Revenons à ma mère. Pris dans un mouvement contraire très tôt, d'un côté : je sens qu'il y a quelque chose de pourri et de l'autre : j'aime ma mère donc je lui obéis aveuglement, elle a pété un câble. Sa soeur cadette, trop limitée intellectuellement a reproduit le schéma à l'identique, comme un vaillant petit soldat. Elle n'a de cesse de montrer à ma grand-mère à quel point elle fait bien, hein maman, t'as vu ? Je fais tout comme toi, regarde comme je suis bien ; mais ma grand-mère ne regarde et n'aime que ma mère, la méchante, la vilaine, la rebelle, celle qui déçoit et fait de la peine à tout le monde. Donc ma tante déteste cordialement ma mère. Et ne comprend pas. Pauvre Catherine !
Voilà donc ma mère entraînée trop tôt dans sa vie d'adulte. Quelle personnalité a germé sur ce terreau ? Mélange d'amour puissant, d'admiration, de contrainte impitoyable (pour le bien des enfants), de dureté (séparation à 8 ans). Quelle cuisine l'enfant qu'était ma mère a bien pu confectionner pour se frayer un chemin dans la vie, pour se fabriquer une cohérence de bric et de broc ? Je sais aujourd'hui que le cocktail a donné quelque chose de violent, non maîtrisé et que ça a rejailli sur nous, ses enfants.
Mais ceci est une autre histoire et je suis fatigué.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Je ne sais pas si tu as envie qu'on t'écrive ou non ... je suis une des lectrices qui passe de temps en temps ... je ne me souviens pas du tout comment je suis arrivée ici la première fois, de clics en clics ... je sais que c'est le ton et le fond qui m'y ont retenue et qui me font revenir épisodiquement.
Et aussi certainement l'impression assez vague jusqu'alors d'une certaine communauté de vie, ponctuellement.
Là, ça fait quelques semaines que je n'étais pas passée ... et j'ai lu le billet sous lequel je commente, et je me rends compte qu'en effet on en est au même point, exactement. C'est pas que ça rassure, hein, de sentir qu'on n'est pas seul dans cette situation, mais bon, quand même, lire ses sentiments dans les mots d'un autre, même si on les écrit soi-même par ailleurs (pas sur mon blog, moi, par contre), ça a quelque chose de "chaleureux", encore que le mot ne soit pas tout à fait adéquat, mais quand même, une certaine idée de réconfort ...
Les mêmes mots pour les mêmes choses, au même moment, et aucune envie de dériver sur un psy ou un produit pour en sortir ...
... bon, j'en reviens à mon propos : tiens-tu ce blog pour toi-même, te laisser la possibilité d'évacuer la vapeur ici, seul, ou peux-tu dialoguer ... ?

palim a dit…

je réponds un peu tard, désolé. C'est qu'en ce moment, chaque action pour moi pèse une tonne ; si je pouvais ne rien faire du tout, je m'abandonnerais à cette idée, mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Je crois que ça s'appelle ne plus vivre. Et étant donné qu'il y a des gens qui continuent à m'aimer et que je ne veux pas leur faire de peine, c'est définitivement une mauvaise idée. Alors je fais semblant de vivre. J'y arrive à peu près bien. Mais j'aimerais bien que ça ne dure pas trop longtemps quand même...
Je suis désolé si tu vis les mêmes trucs que moi, c'est vraiment pas cool ! Il paraît que ça s'arrange pour certains.
Et sinon, je tiens ce blog pour lâcher des trucs dans le désordre et quand ça vient. Des trucs que je peux regarder et me dire : c'était donc ça. ça sert à rien, mais je le fais encore un peu. Je ne sais pas jusqu'à quand.
Et je peux dialoguer bien sûr. C'est un peu le dernier truc qui me reste (c'est fou le nombre de fois où j'ai utilisé le mot "truc"). ça, non plus, ça sert à rien mais ça aide à passer le temps parfois.

Anonyme a dit…

"Je fais semblant de vivre" ...
Ouais, voilà ce que j'en dis, moi :
"Ne plus ETRE, mais seulement PARAITRE, à tes yeux.
Tellement difficile, ça, pour moi... Tellement en totale contradiction avec ce qui m'avait projetée vers toi. Toi qui, seul entre tous, sans doute, m'a vue être, réellement, et pour cela m'as permis d'être, et non plus seulement de paraître...
Paraître la bonne élève appliquée, paraître la fille aimante de son papa, paraître l'épouse impliquée, généreuse et respectueuse de son époux, paraître la super maman de ses enfants, paraître l'extraordinaire belle-fille de ses belles-mères, paraître la copine sympa à qui on peut tout dire, qui n'a jamais de problèmes et toujours la bonne réponse à ceux des autres, paraître la blogueuse investie qui se préoccupe de tout ce qui va pas ou qui va dans le monde ...
Paraître raisonnable.
Paraître.
Mais pas être."
"Je "parais", je ne "suis" plus. Plus du tout.
C'est cela qui me rend malheureuse, plus que je ne l'ai jamais été.
Mais autour de moi, les gens peuvent recommencer à "être" : être un époux avec une femme présente et impliquée, même si ce n'est qu'une apparence, moi seule le sait, alors ce n'est pas bien grave; être des enfants avec une mère présente et impliquée, ce que je n'ai même plus été pendant trop de semaines, les mettant parfois malgré moi en position de me prendre en charge, eux ...; être la belle-fille présente et impliquée auprès de son mari, à qui on ne demande plus pourquoi cette tristesse dans tes yeux, à quoi est-elle due, allez-vous vous séparer, que vont devenir mes petits-enfants, réfléchis bien ...; l'amie ou la simple connaissance avec qui on peut discuter, qui est toujours de bon conseil, d'une compagnie agréable, et non cette personne qui ne parle plus, qui n'a plus de vitalité, qui ne répond même plus aux invitations qu'on lui lance, qui a l'air si fatigué qu'on lui demande si elle est malade, qu'on lui conseille de consulter un médecin ... alors qu'elle est juste morte et que personne ne le sait ...
Autour de moi, les gens peuvent donc recommencer à être, normalement, dans le cours habituel de leur vie.
A côté de moi qui ne suis plus. Et sans qu'ils s'en aperçoivent."
Comme tu le dis, c'est pas cool, et j'aimerais croire qu'il y en a qui s'en sortent ...
Je vais continuer à te lire ...