mercredi 31 décembre 2008

Une année toute neuve

31 décembre. 365 jours. Une année. une de plus. Qui s'entasse. Et plus les années s'entassent, plus on regarde en arrière, plus on se pose la question de ce que nous en avons fait. Comment les avons-nous dépensé tous ces jours ? Quel usage en avons-nous fait ? Les années s'entassent et se ressemblent toutes ? Ou bien : je change mon destin ! J'en suis le maître.
Nous sommes riches de temps et de libre-arbitre. Qu'en faisons-nous ? Sommes-nous assez respectueux avec nous-mêmes pour au moins rompre avec tout ce qui ne nous procure pas du bien-être. Avoir ce courage ! Une nouvelle année peut être cette occasion symbolique du fameux bilan. Et donc du rangement :
- un mari encombrant : panier.
- une femme pas gentille : panier.
- un boulot pas intéressant : panier.
- des pseudo relations amicales : panier.
- une addiction toute pourrie : panier.
Et puis se persuader qu'on est capable d'évoluer. Donc à nous de nous fixer au moins un objectif réalisable. Nous trouverons les moyens, soyons-en sûrs !
Encore une fois, quel rêve avons-nous, même modeste, que nous avons remis à plus tard ?
Pour cette nouvelle année, pourquoi ne pas en profiter pour l'écrire sur une feuille, le regarder bien en face et se faire une promesse : j'ai 365 jours pour le réaliser.
ça peut être d'apprendre à cuisiner thaïlandais ou d'écrire une lettre pour dire je t'aime à un proche. Ou un voyage autour du monde. Chacun sa gradation personnelle.
Quant aux "grands chantiers", on peut peut-être commencer à se dire que non, ce n'est pas fatal, non ce n'est pas foutu, non, ce n'est pas trop tard. Donnons les premiers coups de burin mental.
Le tout est d'empêcher l'inertie de nous gagner !
Nous sommes en vie. Donc nous évoluons, nous améliorons nos vies.
L'occasion est belle !
Je vais m'en saisir de ce pas.
Et je vous souhaite une année riche, belle, heureuse et surtout nouvelle de ce que vous y aurez ajouté !!

mercredi 24 décembre 2008

NOËL

Noël s'abat sur la ville.
Pesant de tout son poids familial
sur les consciences mal lavées.
Jésus est né et a foutu la merde...
pour notre bien.
On n'a pas fini de réfléchir à ce qu'il nous a dit.
Pour l'instant, la promesse de joies se mêle
à l'appréhension de la relation familiale exacerbée !
Mère-filles/mère-fils/père-fils/père-filles et vice-versa.
Frères et soeurs et quelques grands-parents qui traînent.
Des vieilles colères qui ressortent sous forme de : "ben pourquoi tu as acheté ce fromage-là ?
Tu sais très bien que je ne l'aime pas !"
Et puis, le devoir d'être heureux !
Grand écart au-dessus de l'abîme de ce qu'il vaut mieux taire.
Qui sait ? Si on laissait sortir toute cette rancoeur enfouie,
on pourrait peut-être décliner ce rendez-vous ô combien symbolique !
Et les cadeaux : tu continues à ne pas faire attention à moi,
alors qu'une nouvelle occasion t'était donnée !
Ou bien : On m'aime ? On m'aime vraiment alors !
Et puis il y a cette petite mauvaise conscience qui traîne
et nous fera peut-être mal digérer notre gueuleton :
là-bas, plus loin, il y a CEUX QUI SOUFFRENT !
Ai-je bien le droit de m'en foutre plein la panse ?

JOYEUX NOËL A TOUS !!

dimanche 14 décembre 2008

Problème mécanique

Week-end en Familie. Je sors de table en repoussant ma chaise dans un mouvement très "film français". Dehors il pleut et il fait froid. Refuge chez ma soeur. Bonne idée d'habiter à côté.
Je réfléchiS. J'essaie de comprendre.
Je suis le produit d'influences particulièrement actives lorsque j'étais très jeune, et incrustées bien profondément. Ces influences forment la colonne vértébrale de mon comportement actuel. Et, dans mon illusion de liberté, je ne comprends pas que, quand je mets le clignotant à gauche, je me mets à tourner à droite et inversement. Encore, ça ne serait qu'une fois. Non, c'est à chaque fois. Qui a détraqué mon clignotant ?
C'est pourquoi je me suis, cette fois-ci, directement adressé à mes constructeurs :
- Dites ! Y'a un truc qui déconne depuis plusieurs années, y'aurait moyen de le réparer ?
- Papa constructeur : Mais non, tout va bien !
- Non je viens de te dire que quelque chose cloche qui m'empêche d'avancer.
- Mais non ! Tu exagères.
- Je te jure. Même que ça en devient très pénible.
- Vraiment je ne vois pas de quoi tu veux parler.
Bon, je lui explique l'histoire du clignotant.
- Ce n'est pas de ma faute ! Pourquoi tu m'embêtes ! J'ai rien fait. C'est trop facile de faire peser la responsabilité sur moi.
- Je m'adresse à qui alors ?
- Je ne sais pas. Mais sache quand même que je veux ton bonheur.
- Cool. Merci.

Maman constructrice :
- Ben oui mais c'est pas facile pour nous aussi.
- Essayez.
- Ben oui, mais on ne sait pas comment faire. On aimerait bien mais on sait pas comment faire.
- Ayez confiance en moi !
- Oh là là, comme tu y vas !! C'est pas facile ce que tu nous demandes. Et puis tu as vu l'âge que tu as. Tu es bien trop grand pour demander ce genre de chose.

Super. J'ai foutu le week-end en l'air. Alors que c'est si simple de parler de la crise qui nous touche mais ouf nous heureusement pas trop, qui veut bien remettre une bûche dans le feu ? Et sinon, ça va en ce moment ? Tu peux parler, ne t'inquiète pas je ne t'écoute pas.

Y'a vraiment des enfants qui n'ont aucune pitié pour leurs constructeurs !

mercredi 10 décembre 2008

Les onze mille verges

Son sexe pend sans vie. Il n'arrive plus à bander. Virginie passe entre les corps qui s'agitent vers leur jouissance. Ancienne petite oie blanche qui trouve merveilleux de se faire piner devant tout le monde. Virginie, Virginie, petite fille, où es-tu passée ?
Virginie veut un bébé et trouve que c'est quand même magnifique non de se sentir libre, je veux dire vraiment libre, pas comme tous ces couples hypocrites. Enlève la bite que tu as dans la bouche quand tu parles, je ne comprends pas ce que tu dis. Oui, tu as raison Virginie, tu es belle, tu sens le cul par tous les pores de ta peau et je suis fatigué.
Il est libertin. Comme d'autres sont bouchers. Presque par profession. Amis libertins. Lectures libertines. Habitudes libertines. Conversations libertines. Et toujours à devoir se glorifier, de peur de voir l'horreur.

La semine dernière avec Daniel et Lou, ils ont pratiqué leur exercice favori. Mais oui, ça nous plaît ! Vous savez, c'est le vrai rempart à l'infidélité !
Lou rigole nerveusement. ça l'excite qu'on parle de ça. Je connais cette sensation Lou. Si tu savais, j'étais bien pire que toi. Un gamin dans une boulangerie qui a le droit de goûter à tous les gâteaux.
Virginie en rajoute une couche : l'amour et le sexe sont deux choses très différentes. J'aime John profondément. Mais je ne me voyais pas renoncer à jamais aux autres corps. Et toi pareil, hein John ? Pourquoi vivre en permanence avec une frustration ?

Virginie tend son cul à un black serviable comme tous les blacks dans les clubs. Elle ahane. Il boit son énième whysky. Sans alcool, pas de libertinage. Elle prend une queue indistincte dans sa bouche et une deuxième dans sa main. Trois queues en tout s'il a bien compté. Il compte bien. Il est comptable. Comptable et libertin. Libertin pour oublier qu'il est comptable.

Daniel criait trop fort quand il jetait ses phrases. Moi je ne pourrais jamais !! C'est glauque. Excusez-moi, je ne parle pas pour vous mais bon....Et puis, voir Lou avec un autre, c'est juste impossible. Tu as raison Daniel, c'est glauque, au-delà même de ce que tu peux imaginer, mais ce n'est pas ce que tu penses vraiment. Toi et ta bite vous aimeriez bien essayer quand même. Pour voir. Parce que tu es un garçon, avec ta culture de garçon et ta libido de garçon.

Virginie gémit. Une blonde très belle lui pompe sa bite molle. S'acharne comme si il était très important qu'il joue le jeu. Tout à l'heure ils vont se dire que c'était très bien, se congratuler, comme après un double au tennis : Vous l'avez sucé divinement, si, si ! Et vous, quelle sodomie ! Je peux vous dire que j'ai rarement vu une aussi belle sodomie ! Et pourtant j'en ai vues !

Virginie disait que c'était formidable, ça, se sentir libre, pas enfermée, vous comprenez. Et puis, c'était prouvé, les couples libertins étaient beaucoup plus heureux. Beaucoup moins de frustration. Beaucoup moins d'envie d'aller ailleurs ; puisque tout est permis.
Mais quand vous vous retrouvez ensemble, je veux dire, après, est-ce que vous ne vous dégoûtez pas. Enfin, je veux dire, il reste les images. Lou me regardait avec l'envie que je la saute maintenant sur le canapé devant son mari qui dirait : t'aimes ça hein ma petite salope !
Pas du tout. Au contraire. John est très beau pour moi quand il fait jouir une autre femme. Et je suis fier que ce soit lui mon mari. Que ce soit mon homme. Je veux que toutes les femmes ressentent à quel point il me fait bien jouir. Et je sais que c'est moi qui repartirais avec lui. C'est mon Homme !
Connasse.
Si Lou. Moi, parfois je suis dégoûté à vomir le matin en me lavant les dents. Alors je me relave les dents et je repars quand même au prochain plan cul, parce que je suis obsédé sexuel. Parce que je suis shooté à la chatte, au cul, à tous ces corps qui s'emmanchent ! A ma pute de femme qui joue à la salope. ça m'excite. ça m'excitait. Ne me restent que l'habitude et le dégoût !

Elle jouit longuement, bruyamment. Comme elle aime le faire. Pour attirer l'attention sur elle. Si tant est que c'est encore possible dans ce genre d'endroit. Il caresse la belle chatte imberbe de la blonde par politesse. Virginie lui sourit et embrasse la blonde qui délaisse pour l'occasion ma bite molle. Les trois autres bites sont déjà parties.

ça ne vous dérange pas qu'on parle de ça. Daniel : pas du tout ! Pas du tout ! ça ne nous branche pas, mais ça ne nous choque pas, nous ne sommes pas des puritains coincés quand même ! Virginie dit qu'on ne pouvait rien dire avant d'avoir essayé au moins une fois. Qu'ils pouvaient les emmener dans un club. Qu'ils regarderaient c'est tout. Ils verraient bien comment ils se sentaient. Lou re-rit nerveusement : tu nous imagines dans un endroit pareil...non, non. Avec ce désir qu'on insiste bien pour qu'elle puisse lâcher : Après tout qu'est-ce qu'on risque. On regarde juste et on repart. ça pourrait être marrant non, Daniel, qu'est-ce que t'en dis. Mais on n'a pas insisté. On avait déjà dévergondé deux couples comme ça. 20 ans de mariage. Y'a moyen d'appuyer.

Dans la voiture, il lui dit simplement qu'il arrêtait. Virginie dit quoi ? Qu'est-ce que tu racontes ? Tu ne peux pas faire ça ? Si, j'arrête. T'as un coup de mou. Oui c'est le cas de le dire. ça va passer. Non ça passera pas. Mais pourquoi, tout se passe bien. J'en ai marre de te voir sucer des bites. Mais ça t'excite. ça ne m'excite plus. John ! John ! Ce n'est pas possible. Si tu veux arrêter, comment on va faire ? On va faire l'amour tous les deux ! Arrête tu n'es pas drôle ! ça va revenir, c'est normal, tu as une petite lassitude, tu es blasé, ça nous arrive tous à un moment ou un autre. On va faire une pause si tu veux. Quelques semaines. Non, j'arrête. Définitivement. Je suis désolé. Mais comment je vais faire moi ? Hein ? Je vais quand même pas y aller toute seule ? Non, parce que je ne le supporterai pas. On va devenir fidèles et exclusifs. T'es complètement fou. Tu sais très bien que je n'y arriverai pas. Tu sais ce qui va se passer. Je vais être frustrée. Je vais me mettre à regarder les autres hommes et je te tromperai, c'est ça que tu veux ?
La conversation prenait précisément le tour qu'il souhaitait.
Non. Alors qu'est-ce que tu espères ? Rien.
Il lui servit les phrases d'usage pour les séparations. Elle pleura. Elle gueula. Elle lui prit la bouche. Elle lui prit la main de force pour la foutre sur sa chatte encore humide. Il resta bien tranquille comme il s'était promis. Il dit un dernier : je suis désolé. Elle, un dernier : tu ne peux pas faire ça ! Il dit qu'il allait dormir à l'hôtel, il l'appelerait demain. Il sortit de la voiture. Il prit une rue à gauche sans aller trop vite, puis dès qu'il put tourner dans une deuxième roue à droite pour être hors de vue de Virginie, il se mit à courir, et à respirer, à respirer, comme il n'avait plus respiré depuis longtemps.

vendredi 5 décembre 2008

Délivrance

Est-ce qu'elle avait déjà eu le choix. Déjà elle était née avec une fente. Si ça, c'est pas une belle connerie !! Elle aurait bien fait marche arrière, mais c'était pas autorisé ! Après c'était juste une histoire de marge de manoeuvre. ça dépend où tu es née pour commencer. Et elle, dans le genre je nais au pire endroit, elle se posait là. La marge de manoeuvre, c'est ta possibilité d'agir sur ta vie. En Inde, ils essaient même pas. T'as un bon ou un mauvais karma. Point final. Chanceux ou poissard et si t'es poissard, t'as qu' à prendre ton mal de vie en patience jusqu'à ce que s'arrête. Mais leur intelligence à eux, c'est qu'il n'essaient pas de lutter. Parce que quand t'as un destin de merde et qu'en plus t'essaie de lutter, tu souffres deux fois plus.

Elle avait toujours le couteau à la main.

ça lui rappelait son père le peu de fois qu'elle l'avait vu sous le soleil, quand il était pas en taule. Elle devait avoir 5 ou 6 ans. Il coupait le bois avec une hache pour le voisin, un gentil châtelain qui l'avait embauché par charité chrétienne pour de menus travaux. Une masse son père. Une masse sombre qui faisait peur. D'ailleurs quand ça volait, ça volait. Des baffes comme des oiseaux noirs. Un jour il lui avait donné une poupée qu'il avait fabriqué avec des draps et des journaux dans sa cellule. Une éclaircie de tendresse dans un océan de gris. Elle avait pas essayé de croire qu'elle pouvait prendre ça pour de l'argent comptant. D'ailleurs ça faisait longtemps que la tendresse ça faisait plus partie de son vocabulaire.

ça poissait drôlement dis-donc. Elle aimait bien la couleur que ça faisait. Après, ça ferait une autre couleur plus sombre quand ça sècherait mais là c'était velours rouge, pourpre, un peu bordeaux, comme la couleur d'un bon vin de garde.

Elle en avait bu une fois un grand vin. Robert lui avait dit en lui plaquant sa grosse main entre les cuisses : c'est du fameux çui-là ! S'agirait pas de m'le boire trop cul-sec ! Déjà que c'était la première fois qu'elle allait au restaurant ! Elle l'avait lapé comme un petit chat, du plaisir plein les yeux, plein le palais, plein le coeur et plein entre les cuisses. A se rappeler, elle avait sans doute jamais eu autant de plaisir dans toute sa vie d'ailleurs. C'était drôlement con qu'y soit parti Robert, parce qu'y aurait eu moyen, oh pas d'être heureuse, ça aussi, c'était un mot rayé de son vocabulaire, mais p'têt d'avoir une vie un peu douce. T'es trop jeune la puce qu'il lui avait dit, regarde-toi, t'as 15 ans et moi je veux pas faire de la taule à cause de toi. Ils se voyaient dans la gare désaffectée quand elle sortait des cours. Robert, il la protégeait entre ses grandes pattes de géant. Elle se sentait une petite chose fragile et précieuse. Il lui déposait des baisers sur les paupières et disait : "ma vilaine", "c'est ma vilaine ça !" Et puis il était un peu vicieux. Elle aimait ça.

C'était bizarre un corps qui se vidait de son sang. ça coulait tout doux. Comme un petit ruisseau . Et le corps était devenu complètement inoffensif maintenant. Sa maman. Ben elle avait plus de maman maintenant. Ou plutôt une maman morte. C'était mieux une maman morte qu'une maman vivante. Enfin pour elle. Parce qu'elle savait ce que c'était une jolie maman qui sent bon avec des grands sourires et des gestes tout tendres, tout doux. Elle en voyait dans la rue quand elle était petite et encore maintenant. Mais elle avait très vite compris que ce serait jamais pour elle. C'est comme d'être pauvre, tu l'intègres, t'as pas le choix.
Elle aurait bien aimé qu'existent des putes de la tendresse. Tu vas en voir une. Tu paies et tu lui demandes si elle veut bien te bercer dans ses bras comme si elle était ta maman. Elle y aurait été souvent.

Elle était beaucoup moins laide morte que vivante sa maman. Là, elle avait l'air très calme.
Elle sourit parce que ça faisait du bien de savoir qu'elle ne la taperait plus jamais. C'était pas la douleur non, ça, même la clavicule cassée, la lèvre fendue ou les bleus partout, elle s'en fichait bien. La douleur, elle la sentait plus vraiment depuis longtemps. Non, c'était plus la peur, de pas savoir quand ça allait tomber, comment, de plus savoir quoi dire, quoi faire, comment se comporter. Là, même en prison, elle serait libre pour la première fois de sa vie.
Elle se demanda où elle devait poser le couteau. Si elle devait laver un peu avant l'arrivée de la police. Elle décida que non, elle ne changerait rien. Sinon, ils seraient un peu déçus. Si tout était bien rangé. Ils avaient des habitudes. Et puis c'était vraiment joli cette mare sur le carrelage blanc. Et elle garderait le couteau à la main comme dans les films.
Elle sourit en pensant au procès qu'elle allait avoir. Elle adorait les procès dans les films. Peut-être même que son avocat serait beau.

jeudi 4 décembre 2008

Lettre à moi-même

Voilà une lettre déterrée. Une lettre jamais envoyée. Qui n'avait pas vocation à l'être. Une lettre de mon moi du futur à mon moi du présent mais qui date déjà d'un peu plus d'un an, donc normalement j'ai rejoint mon moi du futur. Si vous ne comprenez pas, c'est normal.
C'est une lettre qui parle de moi, donc j'ai hésité à la mettre. Par pudeur. En même temps ça me dévoile sans me dévoiler et ça peut peut-être faire avancer le schmilblick pour ceux qui sont dedans.

Salut mon gars,
J’ai comme senti que t’avais un petit coup de mou. Elle te revient dans la gueule et tu te demandes pourquoi tu l’as quittée. Mon gars, calmos ! Direct faut que tu te calmes ! J’vais te la rafraîchir ta mémoire moi !
Allez, dis-moi combien de temps duraient les accalmies, avant qu’un Scud ne te tombe sur la gueule ? Combien ? Une semaine, deux par grand beau temps.
Et ça fait quoi le Scud mec ? ça t’explose à la gueule ; ça te laisse par terre. J’veux pas de détails, mec, juste te rappeler les sensations. Tu veux que je te raconte comment t’es coupé en deux, impossible de dormir, impossible de penser, à essayer de comprendre où t’as bien pu merder et quand. Tu sais, tous ces trucs où tu sais pas d’où ça vient. T’en veut une petite resucée dis ? C’est ça que tu veux ? Faut le dire ! T’es un grand garçon et tu choisis ta vie. Si c’est celle-là que tu veux, très bien. Mais attention, va pas me raconter que c’est de la vie jolie qui coule ! Pas de bobard, s’il te plaît ! Que ça t’excite ok, c’est clair. T’as même peur de pas la retrouver celle qui va te faire jouir comme ça, celle qui va te faire vibrer. T’as l’impression que tu les connais toutes déjà les autres, que t’en as déjà fait le tour à leur deuxième phrase !
Faut qu’tu m’écoutes un peu ! J’tai déjà dit qu’on l’a rencontrée. Ah tu vas être étonné ! Mais tu ne m’écoutes pas. L’autre te bouffe la tête hein ? Elle occupe tes appartements dans ta caboche et tu te dis que c’est parce que tu l’aimes. C’est un signe c’est ça ?
J’t’en supplie, ouvre les yeux ! Confonds pas amour et jouissance. Amour et régression.
Au fait, je ne t’ai pas dit que j’étais fier de nous. Ce que tu as fait là mec, c’est du courage de héros. Ok, tu morfles comme un chien, mais j’te jure que tu vas être récompensé. T’imagines même pas comme c’est du bonheur en barres là où on est. T’aimerais bien savoir quand mais je peux pas te répondre précisément.
Tiens le coup, je t’en prie. T’es un sacré mec bien, avec tes défauts à la con, tes petites crises d’autorité à toi aussi (eh ouais, qu’est-ce que tu crois ? Filiation, filiation !) mais tu me gères ça plutôt pas mal.
Et pis, je vais te dire autre chose. Tout le monde aura toujours un avis sur la question comme pour la coupe du monde de rugby, mais, je t’en prie, arrête de douter et de te demander si t’as tout bien fait comme il fallait. T’as certainement pas tout fait comme il fallait, mais, d’une manière générale, j’peux te dire que quand tu sens pas un truc, t’as juste à écouter. Dans ces moments-là, c’est vraisemblablement moi qui te parle et comme j’ai un peu d’avance (dans le temps), je sais que c’est pas la bonne direction. C’est tout. Fais-nous confiance, c’est facile comme tout.
T’inquiète mec, t’es sur la bonne route en ce moment, ça je peux te l’assurer. Travaille bien. Pleure encore un peu si tu veux. Mais, ne doute pas d’avoir choisi la bonne option !
Allez tchao mec ! Prends soin de toi ! Tiens debout tout seul ! Faut que tu sois beau de plein de choses, quand tu rencontreras l'Autre…Et tiens le coup, la douleur va passer, je te l’asssure.

Après relecture, je peux me dire au présent que j'avais raison. C'est plutôt une bonne nouvelle !

mardi 2 décembre 2008

Une nouvelle vie

Sa putain de petite voix gueulait tout le temps ces derniers temps : tu ne peux pas continuer comme ça et tu le sais très bien ! Hein tu le sais ? Oui je le sais. Je le sais et je t’emmerde. Il faut aller tout en haut. Pour ça tu dois tout lâcher. Tout. Lâcher prise. Ne plus t’accrocher.
Il y était précisément. Là, dans son bureau trop grand, trop beau, trop tout, il savait que c’était le moment, et ce moment il le repoussait de toutes ses forces. Tout ce qu’il avait poursuivi toute sa vie, il n’avait jamais réellement cru que c’était vrai. Le fric, le fric qui coule à flot. Cette merde. La vanité qui pourrit les jours. « Monsieur le président ». Il se barbouillait de vanité tous les jours. Et plus il se barbouillait, plus il s’éloignait de l’Endroit. Là tout en haut. Où on s’émerveille face à la vue, comme seul un enfant sait s’émerveiller. Parce que c’est bien de ça dont on parlait. Faire renaître l’enfant. Foutaises. Tout le monde dit ça. Qui le fait ? Qui vraiment ? Il savait. Il savait très précisément, non pas quoi faire, mais quoi être. Oui, c’était précisément ça : il lui fallait être ce qu’il était de toute éternité. Un type bien. Un type bien ! La presse aurait bien rigolé.
« Edouard Manissier est un type bien !! »
Elizabeth se serait tordue de rire ! Et ses enfants auraient baissé la tête et pensé que c’était encore une mauvaise farce qu’on leur faisait.
Est-ce qu’il était possible de recommencer maintenant ?
Non. Bien sûr que non. Il le savait bien. Il était comme un alcoolique qui fait une escale en Sobriété et se dit : ce serait formidable. Pour s’en sortir, comme l’alcoolique qui ne boit plus une goutte d’alcool, il faudrait renoncer à l’argent. Complètement. Il rit.
Renoncer à l’argent, quelle plaisanterie ! Renoncer à tout ça ? En fait, peut-être qu’il le pourrait. Mais les honneurs, les honneurs mesdames et messieurs, vous ne savez pas ce que c’est ! C’est bien pire que l’alcool ! L’alcool à côté, c’est de la roupie de sansonnet ! Quelle absurdité ! Il n’était pas malheureux.. Pas heureux non plus. Quelle mouche le piquait ? Il attendrait la vie d’après pour se refaire une virginité. Et pourtant…
Quand il se retournait en arrière, il voyait un jeune homme égoïste, à qui tout réussissait, parfaitement narcissique, prétentieux, avec une très très haute idée de lui-même, mais pas pourri de l’intérieur. Non, ce jeune homme riait, avait une vie sociale. Il était infatué et désagréable, mais une jolie rencontre l’aurait peut-être sauvé. Il n’était pas encore cynique et pervers. Faux ! La rencontre il l’avait eue. Cette cruche d’Amélie. Assez folle pour être amoureuse de lui. Amélie. Qu’est-ce qu’elle était devenue cette petite dinde ? Avec elle, il aurait peut-être été différent. Mais il n’aurait jamais pu aller avec elle !
Il marchait dans son bureau un peu plus vite. De manière plus soucieuse. Elizabeth devait se demander s’il était avec une de ses « putes ». Renoncer aux « putes » aussi. Hélène ça ne serait pas dur, Hélène était stupide, il s’ennuyait avec elle et ce n’était pas son 95 D qui changeait quelque chose à l’affaire. Clotilde, ce serait plus dure ! Clotilde était comme lui. C’était son miroir : cynique, impitoyable et terriblement intelligente. Pas la plus belle, mais c’était très excitant d’avoir un adversaire à sa mesure. Mais là encore c’était jouable. Bizarrement c’était Patricia, sa secrétaire, la plus difficile à quitter. Elle était gentille. Pourtant il méprisait les gens gentils. Il la méprisait. Mais elle était comme une sœur peut-être. Il détestait sa vraie sœur. Il détestait beaucoup trop de monde. Ou bien il les méprisait.
Donc, c’était impossible de devenir le type bien qu’il se sentait être au fond.
Pourquoi impossible ? Il avait réussi tout ce qu’il entreprenait. Ça aussi, il le réussirait. Pourquoi pas ? Il était doté d’une volonté extraordinaire. Qu’est-ce qui lui avait déjà résisté ? Rien ni personne. `
Il fallait renoncer à l’argent. Bien ! Dès demain, son argent serait reversé intégralement à des associations humanitaires. Il démissionnerait de son poste de directeur général. Il annoncerait à ses maîtresses que désormais il renonçait à elles. Et il se consacrerait à faire le bien. Il pourrait annoncer à Eléonore et Arthur qu’ils héritaient d’un nouveau père aussi incroyable que cela pouvait leur paraître.
A mesure que les décisions se prenaient, son excitation grandissait. Il avait toujours procédé comme ça. Il lui suffisait de décider et tout déroulait après. C’était magique. D’une simplicité enfantine. Ils verraient ! Ils verraient tous ce que c’est qu’un type bien. Bien sûr, là plupart seraient incrédules au début, mais il leur faudrait rapidement se rendre à l’évidence.
Elizabeth. Ça c’était le gros morceau. Cette grosse salope. Non, non, Edouard. Il n’y a plus de grosse salope. Les grosses salopes n’existent plus. Bien. Il suffisait de changer son regard. Faire venir l’amour. Oui. Précisément. Voilà. Elizabeth était simplement malheureuse, rien d’autre que malheureuse. Donc elle était incroyablement aigrie, laide et méchante. Mais il ferait en sorte de voir sa beauté. Et elle irait mieux. Et ils pourraient même s’aimer. C’était simple finalement l’amour. Il lui suffisait d’inverser tout ce ce qu’il avait vécu ces dernières années. Quel bonheur ! Il allait se sauver. C’était vrai. Vrai de vrai.

Quand Edouard rentra chez lui, il raconta tout d’une traite à Elizabeth et à ses enfants. Ils le regardaient complètement incrédules. Dans le grand salon. Il raconta son « illumination ». Il était dans un grand état d’excitation et énumérait tous les détails de l’opération, à quel point il allait être présent désormais. Qu’il avait compris, tout compris. Comment aller tout en haut. Le renoncement, le lâcher prise, tout ça. Et pour commencer, il fallait que chacun se conforme au nouveau programme, un programme ambitieux certes mais où ils sentiraient bientôt tous à quel point c’était bon de faire le bien, de se laisser pénétrer par l’amour, complètement, totalement, pour que ne subsiste plus la moindre trace de mépris, de haine, de vanité ou d’envie.
Elizabeth, Eléonore et Arthur furent alors rassurés. Edouard n’avait pas changé.