mercredi 12 novembre 2008

Bruits de couloir

Là où je travaille, il y a monsieur le directeur. Pressé. l'air occupé. Préoccupé même.
- Monsieur le directeur ! Monsieur le directeur !
- Je n'ai pas le temps.
Vous n'avez jamais le temps monsieur le directeur. C'est pour ça que vous êtes directeur, hein monsieur le directeur ? Pas le temps non plus pour Edouard et Emilie, vos deux charmants enfants qui sont sur le bureau en photo. Emilie va chez les meilleurs médecins : il faut être patient, vous savez l'anorexie est une maladie très complexe !
Est-ce que Emilie est morte monsieur le directeur...ou pas encore ?

Mais Edouard donne entière satisfaction. Figurez-vous qu'il apprend le chinois. Absolument. Ce qui n'est pas une mauvaise idée par les temps qui courent me direz-vous ! AH AH AH !

Et Elizabeth, votre charmante épouse. Elle a la peau blanche et les cheveux si noirs très lisses. Elle n'est pas belle, non, c'est un bien trop petit adjectif pour la définir. Elizabeth n'est pas ravissante non plus. Elle n'est pas angélique. Elle est bellangévissante ! Oui, c'est ça. Elle est venue l'autre jour, elle ne m'a pas vu. Et moi, je l'ai regardée. Elle ressemblait à la statue que j'avais vue en photo dans un magazine chez le dentiste : La Pièta de Michel Ange. Elle cherchait Pierre, notre directeur marketing. Parce que Pierre et elle font l'amour dans le bureau d'Elizabeth juste à côté du mien. Oh très discrètement. Ils étouffent leurs soupirs. Et parfois Elizabeth dit : Chut Pierre, je t'en prie. Oh Pierre ! L'autre jour, Pierre se lavait les mains, il était un peu rouge. Je suis sorti des toilettes. Il m'a dit : Ah Minguet ! J'ai un papier pour vous. Tout le monde a des papiers pour moi. Pierre ressemble à Cary Grant. Il est classe. Tout les filles dans l'entreprise voudrait sortir avec Pierre. Les mariées et les pas mariées, sauf Georgette, parce que, depuis le temps et avec tout ses malheurs, elle a effacé de sa tête cette idée ; elle préfère Félix son chat maintenant : "ils valent mieux que bien des humains". Elizabeth vient souvent dans l'entreprise. Comme elle s'ennuie chez elle, monsieur le directeur lui a dit : avec ta licence de psychologie, tu pourrais être très utile à l'entreprise tu sais. Tout le monde a besoin de parler. Tu aurais un bureau ! Pourquoi pas ? Personne ne vient la voir parce que c'est la femme de monsieur le directeur. On va quand même pas lui parler ! Un jour, elle a chopé Pierre.
Vous ne voulez pas parler ? Il a dit oui, pourquoi pas. Elle est tellement bellangévissante ! Alors elle lui a tout raconté, qu'il la touchait plus. Qu'il était tout le temps occupé et que si Emilie était malade, elle savait bien pourquoi elle ! Et elle pleurait. Et il disait tout le temps : je comprends, je comprends. Et après ils n'ont plus parlé du tout. Et après, elle disait : Pierre. Oh Pierre !
Pierre il était content que toutes les femmes aient envie d'être avec lui. Il avait l'impression d'être encore plus beau. Il marchait droit et énergiquement dans le couloir, avec un sourire pas trop grand mais assez pour vouloir dire : je suis un homme qui réussit ; je suis un peu au-dessus du lot. Myriam, à la compta, ça lui plaisait drôlement ça ! A chaque fois qu'elle le croisait dans le couloir, et elle s'arrangeait pour que ça arrive souvent, elle le regardait avec un grand sourire et respirait un peu plus fort que d'habitude. Et Pierre disait : "Oh Myriam, toi, tu sais qu'il faut que t'arrêtes de me regarder comme ça !" "comment je te regarde ?" tu le sais très bien...espèce de coquine !" Et Myriam, elle gloussait, exactement comme une poule, en retenant son rire dans sa gorge. Elle continuait dans le couloir et Pierre regardait son cul. A David du deuxième, il disait : elle est trop bien roulée, c'est pas possible, il faut que je me le fasse. Elle, c'est une vraie salope, c'est moi qui te le dis ! Une vraie de vraie !
Myriam, elle a pas dit : Pierre ! Oh Pierre ! quand ils ont fait l'amour. Mais : vas-y prends-moi bien ! Oui, vas-y, c'est ça ! Tu me baises bien !
Monsieur le directeur a su pour Pierre et Elizabeth. C'est Josy qui a parlé. Elle en pouvait plus. Merde sous ses yeux ! C'est pas possible. Faut que quelqu'un lui dise. Cette pimbêche !
Il a dit : Pierre, comment t'as pu ? Comment t'as pu me faire ça ? J'te faisais confiance ! Je fais comment moi ? T'as une solution toi ? Maintenant tout le monde est au courant, je passe pour quoi ?
Eux ils disaient rien.
J'ai pas envie de te virer moi. Et on mettrait quoi comme motif : me fait cocu avec ma femme ? Ah j'ai l'air malin.
Il parlait sans être trop énervé.
Bon on va trouver une solution. Il faut laisser passer l'orage, c'est tout ! on va trouver, ne t'inquiète pas. On s'en est toujours sortis tous les deux non ?
Oui il a dit Pierre. Et Elizabeth elle a dit : Et à moi tu ne dis rien ?
Moi j'aurais bien été lui parler à Elizabeth. J'aurais peut-être dû. Mais je n'osais pas.
Pour lui dire qu'elle aurait pas dû venir dans cette vie. Que moi je la comprenais. Et qu'elle était bellangévissante comme la Pièta. Qu'elle avait dû s'égarer par erreur ici, qu'il y avait sûrement un espace temps où l'accueillir quelque part et où tout le monde l'aurait respectée à sa juste valeur. Mais moi j'étais juste Minguet, Minguet pour qui on a un papier...
Elizabeth, elle est partie en "arrêt maladie" pour laisser reposer les choses, tu comprends, le temps que ça se tasse.
Mais elle l'avait trop dans la peau son Pierre. Un jour elle est revenue et elle a vu Pierre dans son bureau qui "baisait bien" Myriam. Alors elle est partie et dans sa lettre, elle a marqué : "je me suis trompée toute ma vie."




1 commentaire:

Anonyme a dit…

Mais qui ne s'est pas égaré ici par erreur?