dimanche 30 novembre 2008

Drôle de cadeau

Ici. maintenant. C'est là que ça se passe. Troisième porte à gauche. Entrez et laissez-vous porter. on vous a donné ce drôle de cadeau : la vie. Des yeux, oreilles, jambes, sexe pour jouir, cerveau pour inventer, imaginer, avoir peur : toutes cette fabrique à émotions !!
Cadeau monstrueux, trop gros, bien trop gros.
- Merci, c'est gentil mais je n'en veux pas. Ce n'est pas que je n'aime pas, mais je ne saurais pas quoi en faire. Donnez-le à quelqu'un d'autre. Je ne peux pas le refuser ? Enculés !!
Bon, nous y voilà. Alors...les premiers temps ça va. L'enfant. L'enfant innocent, inconscient. Le fou. Chance ? Malchance ? Atterri en catastrophe, l'appareil en flamme, dans une famille de tarés violents. Pourquoi est-ce que j'ai atterri là ? Qui a décidé du plan de vol ? Moi, vraiment ? Je suis masochiste dès le début. Merci. Ou bien, le super plongeon dans famille aimante, équilibrée, tout va bien, je ne peux pas rêver mieux. La tendresse, l'écoute, l'ouverture sur le monde, la conscience et le sens de la vie. Puis arrivent les questions, la conscience. Qu'est-ce que je fous là ? Ah enfin. J'y suis, c'est une plaisanterie ! Qu'est-ce que vous attendez de moi ?
Pas de réponse. Pas de clés. Merci. Le pas chanceux, il s'en fout, il s'est tellement fait foutre sur la gueule qu'il cherche tout un tas de gens à qui foutre sur la gueule. En général, ça l'occupe jusqu'à la mort (ouf !) Ou alors : résilience. Super ! Bienvenue dans le monde des gens qui vont bien. Bon je vais pas très bien quand même, mais j'en ai tellement chié que je kiffe un peu mieux là. Et l'autre le chanceux : tu fais quoi de ta vie ?
Heureusement, j'ai été conditionné. Essentiel le conditionnement. On m'a donné toutes les clés. Toutes. La vérité. Le sens. La direction. Mes parents aimant. Mes profs aimant et responsables. Mes petits camarades qui véhiculent le Message. La société toute entière s'y est mise. Avec le poids des siècles. Merci. merci beaucoup. Quelle chance j'ai ! C'est pour ton bien. Pour que tu saches où aller. Pour que tu n'aies pas à chercher dans toutes les directions. Ta vie entière, tu la vivras selon ces règles et ces lois. Lois de l'humanité. Lois religieuses. Lois morales. Mais rassure-toi petit vermisseau. Ta liberté est totale. A l'intérieur de ces cadres-pour-ton-bien.
Sauf si tu vis sous une dictature, mais là tu cherches. Et éventuellement, hors conditionnement, on peut imaginer autre chose ? Mais naturellement, petit vermisseau...mais tu seras rejeté, considéré comme fou ou asocial ou râleur. Mais si tu es très intelligent et très révolté, tu pourras impulser un mouvement révolutionnaire qui, s'il est synchrone avec un mouvement historique et social sous-jacent, fera de toi un visionnaire génial et te permettra de rentrer dans le rang et de fixer de nouvelles règles pour dire à tes semblables que tu as trouvé la vérité et que tu vas leur en faire bénéficier.
Voilà. Donc maintenant tu sais ce que tu fous là !
Dans le détail : tu dois te nourrir, sinon tu meurs : pyramide de Maslow, etc.... Après tu vas exercer un métier. Au choix : tu alimentes la Machine à produire. Ton talent sera utilisé au service de la Machine. Production. Consommation. Production. Consommation... Mais attention, nous ne sommes plus dans la satisfaction des besoins. Nous sommes dans la concurrence et la compétition. Il faut être meilleurs. Pourquoi ? Parce que sinon, on coule. Et le but ? Il n'y a pas de but. Et puis ça ne sert pas à grand-chose de se poser la question. Tu cherches à foutre la merde ou quoi ? Tu prends ton fric et tu fermes ta gueule d'accord. C'est comme ça que ça marche. Ok, donc je fais un truc où je suis content que mon talent soit utilisé au service de la Machine. Je gagne de l'argent pour satisfaire mes besoins personnels et pour le Plaisir qui me permet de tenir jusqu'à la mort. Cool. De toutes façons, même si je me pose des questions, c'est comme ça, c'est pas autrement et je ne peux rien faire contre.
Mais si, il y a ceux qui s'engagent. Ceux qui enseignent pour permettre de faire de petits soldats de la Machine bien dociles. Il y a ceux qui réfléchissent sur la Machine et disent : ça pue tout ça. ceux qui soignent les soldats de la Machine. Ceux qui soignent les récalcitrants : ceux qui ne veulent pas comprendre que c'est comme ça et pas important, il faut être raisonnable voyons, et se demandent parfois quand ils n'arrivent pas à dormir la nuit si ils ont raison d'avoir suivi ce système-là.
De toutes façons, l'espoir de la mort rassure tout le monde. Il arrivera bien le temps où je serai délivré de cette question insupportable : qu'est-ce que je fous là ?
Et si jamais je remets en cause le Conditionnement : qu'est-ce que j'ai envie de vivre chaque jour ? Dans quel monde ? Qu'est-ce que je peux faire, moi misérable vermisseau, avec ma pauvre liberté, pour impulser autre chose, pour dire : je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce système ? Peut-être simplement ça : dire je ne suis pas d'accord. Et si j'ai des enfants, leur dire : vous avez le droit de penser autrement ! Vous avez le droit de rêver tout haut. Vous avez le droit de tout imaginer ! On vous a fait le cadeau de la vie. Ne laissez pas le plus grand nombre vous le voler ! Ne vous laissez pas emporter par le Flot ! Vous êtes plus forts que vous ne l'imaginez...même si vous pensez être seuls.

Aucun commentaire: