dimanche 15 février 2009

En panne pour de bon

C'est toujours pareil. Quand tu l'as, tu fais pas gaffe, elle est là et puis c'est tout. C'est normal. C'est comme de respirer. Tu vas pas te dire toutes les 5 minutes : tiens je respire. Chouette je respire ! C'est trop cool, je respire ! Tu te rends compte, si je ne respirais pas, je serais mort.
Bon ben l'Energie, c'est pareil. Tant que tu n'es pas tombé en panne d'Energie, tu roules, tu fais pas gaffe.
Je voyais bien le voyant orange qui s'était allumé depuis quelques temps déjà. Parfois je faisais semblant de pas le voir, et quand j'avais un passager qui me le faisait remarquer, je lui disais :
- ça ? C'est rien.
- non mais c'est orange je t'assure.
- oui, c'est un peu orangé, mais tu sais, de l'Energie j'en ai à revendre alors...
- tu peux pas en revendre, puisque t'en as presque plus.
- Regarde-moi bien. Je suis un warrior, je me suis toujours relevé de tout.
- mouais. Méfie-toi quand même.
Ben ouais. T'es marrant toi. Bien sûr que je me suis méfié. Bien sûr que je sentais que ça fuyait dangereusement. Mais qu'est-ce que tu voulais que je fasse ?
Et puis, la panne !
J'ai mis deux secondes avant de comprendre.
- Vous voulez dire que c'est fini là ?
- ben ouais.
- je peux plus rouler avec les autres.
- ben non, t'es à l'arrêt.
- mais je vais faire quoi ?
- eh ben, tu retrouves du carburant.
- mais on trouve ça où ?
- Ecoute tu te démerdes ! Faut qu'on avance nous !
Merde. Finalement c'est arrivé. Je n'y croyais pas. Ah j'ai l'air malin ! Au début j'ai essayé de me pousser. C'est assez drôle. Je me suis poussé, ça pesait trois tonnes. J'ai essayé de me faire croire que je roulais encore. Y'a un pote qui s'est arrêté à côté de moi.
- dis-donc j'ai failli te louper. Qu'est-ce qui t'arrive ? Pourquoi tu roules aussi lentement ?
- hein ? Moi ? Non. Pourquoi tu dis ça ?
- ouh là, ça va pas fort.
- non je crois bien que je suis en panne d'Energie pour de bon cette fois-ci.
Et il s'est mis derrière moi pour me pousser. On a cherché une pompe.
- là !
- non, c'est un arbre.
- et là ? Là, c'est une pompe, non ?
- non plus !
- mais si regarde y'a plein de gens qui s'arrêtent.
- c'est un carburant qui marche pas sur moi.
- oh t'es chiant ! Mets-y un peu du tien !
- je suis désolé.
- c'est pas ça mais...
- vas-y, je ne voudrais pas te retenir.
- t'es sûr. ça va aller ?
- non, mais, je te promets que je vais essayer.
- je reviendrai te voir.
- merci.
Et il est parti en trombe dans un jet de poussière. Et dire que j'allais plus vite que lui avant.
Avant. Faut plus penser à avant. ça fait encore plus mal.
Maintenant c'est maintenant.
Putain de pompe ! Où est-ce qu'elle est ? J'avance comme un escargot. Je les vois tous filer à toute berzingue. Ils ne me voient pas. Mais moi j'ai le temps de les regarder. Ils me fascinent. Ils sont tout contents d'aller vite. Comme moi avant. Et puis, pour la première fois, parce qu'avant je ne les voyais pas, j'ai vu les Autres, ma nouvelle famille. Ceux qui sont tombés en panne comme moi. J'ai fait connaissance.
- salut.
- salut.
- ça fait longtemps ?
- vingts ans.
- vingts ans merde !
- ouais.
- et toujours pas de pompe.
Et là elle se marre.
- tu cherches une pompe ?
- ouais pourquoi pas ?
- C'est bien. Cherche.
Elle me fait chier elle. Je me pousse un peu plus vite (si tant est que je puisse utiliser cet adverbe) et j'entends son rire fatigué dans mon dos. Merde, elle me fait chier. Bien sûr que je vais trouver une pompe. Je ne vais quand même pas rester comme ça jusqu'à la fin. Hein ? Ce n'est pas possible ! Hein ? Y'a une pompe quelque part. Pour repartir comme avant, cheveux au vent, insouciant, un peu connard, le sourire agrafé au visage...
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