mercredi 11 février 2009

Sous la cendre

- salut mon gars !
- salut.
- tu me reconnais ?
- ouaip.
- tu sais de quoi je vais te parler alors ?
- ouaip !
- et alors ?
- alors je t'emmerde !
- t'aimes bien te lamenter ces temps-ci, non ?
- je t'emmerde j't'ai dit.
- t'aimes bien te plaindre, trouver que la vie est dure avec toi, pauvre chéri !
ça te donne des bonnes excuses pour ne rien faire hein ?
- et alors ?
- "15 ans", t'aimes bien dire ça hein ? "ça fait 15 ans que je m'échine pour rien !" t'es bien en train de la fabriquer ta légende ? Avec de la mauvaise foi affichée que c'en est honteux ! Tu aimes lécher tes fausses plaies. C'est un joli personnage à trimballer devant les gens qui disent : mon pauvre, mais ça doit être terrible !
- c'est pourtant vrai ! C'est pas drôle tous les matins.
- et alors ? tu fais quoi. Tu t'assois sur le trottoir fatigué comme dans la chanson de Souchon, tu te fous en l'air, tu fais quoi ? Se complaire dans sa souffrance, ce n'est pas joli, joli ; ce n'est pas très glorieux.Ou bien alors, c'est que tu dois aimer voir cet air gêné et ce malaise chez ton interlocuteur, quand tu lui racontes que c'est trop dur.
- et si je ne trouve pas l'énergie ? Si le ressort était cassé...
- pauvre chéri. dis-moi, tu es handicapé physique ? tu es malade ? tu as perdu un proche ? Ou un proche est malade ? tu ne manges pas à ta faim peut-être ? tu es obligé de faire un travail harrassant, aliénant ?
- Non. Mais je sais tout ça.
- ça vaut peut-être le coup que je te le rappelle, qu'est-ce que tu en penses ?
- pourquoi je recommencerais ? A quoi bon ? A quoi bon me battre sans cesse ?
- parce que tu aimes ça.
- pour quoi ?
- pour le plaisir bonhomme. Pour le plaisir de faire. Pour le plaisir de fabriquer. Tout ça est gratuit, tu comprends.
- Pour personne alors ?
- ce n'est pas vrai ! Et quand bien même il n'y aurait qu'un regard, qu'une oreille, fais-le pour ce regard unique, pour cette oreille unique.
- je voulais plus.
- ça ne sert qu'à alimenter ta vanité ! Tu es vaniteux.
- oui.
- Prends ta vanité, mets-lui un flingue sur la tempe et tue-la. N'attends rien !! Fais. Avec passion, comme tu sais si bien le faire. Je te connais. Je sais combien tu es beau quand tu es pris dans ce tourbillon. Tu rayonnes et tu voles mon gars. Je le sais bien, je te regarde.
- C'est vrai.
- N'écoute pas les voix de l'extérieur ! N'entends pas la rumeur qui gronde. Ceux qui prétendent qu'il faudrait réussir pour réussir ou être adulé ou gagner de l'argent. Sois dans l'ici et maintenant de ce que tu fais. C'est la seule, l'unique, la belle vérité de la Vie. Tu le sais de toute éternité.
- oui.
- alors tu vas t'y mettre ? tu vas me secouer cette grande carcasse toute endormie que c'en est une pitié et te remettre à l'ouvrage ?
- je crois. Je vais essayer.
- tu vas le faire oui, sinon, c'est mon pied au cul.
- et je pourrais respirer de nouveau ?
- et tu pourras respirer de nouveau.
- ok. Faut que je réfléchisse...
- Pas trop. Réfléchis pas trop !
- Et...
- oui ?
- merci.
- De rien, mon gars.





2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je ne sais pas pourquoi je te dis ça maintenant, peut-être parce que quand je suis allée voir une psy, elle m'a dit "vous êtres drôlement fatiguée", et que, dans ces états là, je pense aussi à Souchon. J'ai passé quelques années à ne pas supporter de "me plaindre" jusqu"à ce que je paie quelqu'un qui m'a dit : "oui, vous avez souffert, oui, c'était une vraie souffrance, la vôtre, vous êtes très courageuse". Depuis, je me plains beaucoup moins. Y'a eu un peu de boulot, pas trop, et ça m'a fait un bien fou. Non, mes "petites souffrances" ,et méritaient pas d'être regardées avec aussi peu de considération qu'on avait voulu me le faire croire toute ma vie. Suffisait qu'on me le dise au moins une fois. Suffaisait qu'on écoute cette petite fille au moins une fois.

palim a dit…

Merci. J'ai de la chance. On m'écoute. Beaucoup. Parfois, ça reste quand même trop lourd à porter. Avec le temps ça va s'arranger...