dimanche 1 février 2009

Il était une fois un potiron, deux potirons, trois potirons ...

Je suis caissière à Franprix, je porte un blouson pour lutter contre le froid parce que je suis en face des portes automatiques. Je ne vous parlerai même pas de mon activité. ça se passe de mots.
Je suis employé à la poste et chaque jour, je répète les mêmes geste et les mêmes choses à des gens impatients et énervés par leur demi-heure de queue.
Je suis employé dans une entreprise x ou y. J'ai fait le tour de mon travail depuis longtemps. Mon intelligence vaut beaucoup mieux que ça et soupire après de nouveaux stimulis. Je dois rendre des comptes à un supérieur hiérarchique, qui malheureusement ne fait pas partie du tout petit pourcentage de personnes qui ont le don de l'autorité éclairée. Je vous passe les détails du conflit latent et usant.
Je suis avocat (pas avocat célèbre), un avocat salarié. Qui vit avec moins de 2 000 euros par mois. J'ai mis un gros gros mouchoir sur mes ambitions et mon idéal de départ.
Le salarié est précaire lorsque son travail lui semble sans intérêt, mal rétribué et faiblement reconnu dans l'entreprise. Mais il l'est aussi lorsque son emploi est incertain et qu'il ne peut ni prévoir son avenir professionnel, ni assurer durablement sa protection sociale. La précarité atteint son stade le plus élevé lorsque le salarié se sent tout à la fois étranger à lui-même, inutile au travail et désespéré face à la menace permanente d'un licenciement. Ce cumul de plus en plus fréquent de désavantages entraîne de nouvelles inégalités sociales et porte atteinte à la dignité des individus. Il est comparable, dans sa forme extrême, au processus de disqualification sociale qui touche les chômeurs et les personnes dépendantes des services d'action sociale. Serge Paugam

Je vais creuser le sujet. Mais mon intuition est que le système qui nous est proposé (imposé ?) atteint ses limites. L'objectif d'un individu, sa programmation naturelle est le bien-être. Nous sommes en vie (ça c'est foutu, nous sommes nés, faut faire avec !), donc nous cherchons à vivre le moins mal possible. Donc nous organisons notre vie pour atteindre ce fameux bien-être. Nous sollicitons (développons) notre intelligence dans ce dessein. Bien évidemment, nous ne sommes pas tous égaux par rapport à cette quête. Suivant l'endroit où nous atterrissons. Mais on a vu des paires de deux battre des full (faut devenir vraiment balèze, j'en conviens !)
Avec tous les éléments qui sont à notre disposition, nous construisons notre vie : satisfaction des besoins naturels d'abord. Nous éprouvons plaisir ou déplaisir. De là, vient l'expérience. ça, ça me plaît. Je veux de nouveau connaître cette sensation. Ou ça ne me plaît pas, je vais essayer d'éviter cette sensation désagréable.
Dans le cadre de l'individu, il n'y a qu'une personne à gérer, c'est "presque" facile.
Dans le cadre du groupe, ça devient rapidement le bordel ! D'où la construction de la société et l'évolution du système qui la régit à travers les siècles. L'objectif reste le même : le bien-être de chacun, en vivant tous ensemble, donc le bien-être du groupe.
De là l'apparition de chefs (ça commence à sourire dans les rangs !) Le groupe délègue son pouvoir aux chefs censés savoir mieux ou avoir les compétences pour penser l'organisation du groupe, toujours dans l'idée du bien-être de chacun. Pour organiser les échanges, l'économie s'est améliorée, perfectionnée, pour finalement faire surgir la notion de profit.
Avant, bien avant, le groupe fonctionnait sur le principe de la répartition des tâches et le bien-être du groupe était à peu près maintenu.
Je m'occupe du potager.
Toi et Roger et Marie vous vous occupez de construire des maisons.
Marcel et Déborah vous allez chasser.
Antoine et Mireille vous chantez.
Elizabeth, Barnabé et Lucien vous construisez un puit.
Etc...
Il n'y a pas de circulation d'argent. Eventuellement, je peux me relever la nuit pour faire un potager clandestin et amasser des potirons que je ne mangerai jamais, mais j'aurais cette forme de jouissance particulière de juste me dire que j'ai plus de potirons que les autres.
Avec les potirons, on sent bien que ça ne marche pas très bien.
Avec l'argent, ça marche très bien en revanche !
La nécessité pour l'économie de devenir plus efficace a donc créé le principe du profit. Ceci est assez bien expliqué ici (beaucoup mieux en tout cas que je ne pourrais le faire moi-même).
http://www.vimeo.com/1711304?pg=embed&sec=1711304
Petite définition rapide glanée sur la Toile :
"il s'agit des revenus additionnels qu'un producteur réussit à obtenir après avoir compensé pour ses coûts de production. Mais on ne comprend pas trop à quoi cela sert, à part enrichir un capitaliste.
Pour les socialistes, le profit est ni plus ni moins qu'un vol, le résultat de l'exploitation des travailleurs et des consommateurs par les capitalistes, une « plus-value », pour employer le langage marxiste, soutirée de façon illégitime lors d'un échange inégal.
Même des gens qui appuient en théorie le système capitaliste
trouvent difficile de le défendre. C'est peut-être quelque chose
de nécessaire, mais il ne faut pas exagérer et trop en faire.
Cela signale qu'on n'a sans doute pas suivi les règles du jeu,
qu'on s'enrichit aux dépens des autres. Ce n'est sûrement pas
un hasard si le mot « profiteur » n'a rien de positif.



Donc, tout le monde l'a bien compris, le principe du Profit est
devenu un principe attirant, très attirant même, et ce, pour
chacun d'entre nous.La société devenant marchande,
chacun a eu la possibilité de dégager plus ou moins de profits.
Etant très courageux et très avide, je me suis mis à produire
énormément de potirons, dormant très peu, faisant très peu
l'amour à ma femme et oubliant complètement que j'avais
contribué à mettre au monde 3 (4 ?) enfants. En revanche,
j'ai parcouru la région pour persuader chacun de la nécessité
de manger des potirons, davantage, que c'était la seule
nourriture vraiment équilibrée, que ça faisait une peau
de pêche et des fesses de bébé. Tout le monde s'est mis
à m'acheter des potirons et je me suis enrichi. Cooool !
J'avais plein d'argent. Je me suis acheté une deuxième
maison, puis une troisième maison. J'ai dit à mes enfants :
soyez heureux, j'ai assuré votre avenir ! Et notre passé ?
m'ont-ils répondu. Les enfants sont toujours ingrats.
Bien sûr, je ne pouvais pas produire mes potirons tout seul.
Et tout le monde avait sa maison désormais. Et il n'était
plus question que j'échange mes potirons contre un
quelconque service, parce que j'avais des maisons à
acheter et de l'argent à entasser (pour garantir mon
avenir et celui de mes enfants) ; donc j'ai embauché
des gens de la région. Qui eux devaient bien survivre
pour nourrir leurs enfants. Donc ils étaient bien contents
que je les paie. Et même si le travail était dur et pas drôle,
ils n'avaient pas le choix.
Le chef du village qui avait en charge le bien-être du groupe
s'aperçut bien que beaucoup de villageois s'étaient arrêtés de chanter.
Qu'on ne dansait plus comme avant.
Alors il vint me voir et me dit : on ne pourait pas revenir
comme avant. Comme il avait une petite maison, je lui dis
que je lui donnais une de mes grandes maison en plus.
Comme ça, il pourrait donner la petite à son fils.
Et comme il aimait beaucoup son fils, il oublia cette idée.
Et pour le bien-être des villageois, il construisit une boîte.
Il mit plein d'images dedans et il l'appela "télé".

Aujourd'hui la logique du Profit a pris des proportions
considérables. Tout le monde le sent.
Avec la crise économique, c'est même devenu un urticaire
(désagréable mais on vit avec...pour l'instant).
L'idée de bien-être s'est faite absorber par la nécessité du Profit.
Donc, chaque individu sent confusément
qu'il est instrumentalisé à cette fin. Dans cette course,
chacun va essayer de tirer son épingle du jeu. Les bien-nés,
s'il ne font pas de conneries, sont plutôt bien partis
sur la ligne de départ. Les courageux, les pugnaces,
les ambitieux, les déterminés, les revanchards sont
aussi pas mal lotis. Les idéalistes, les altruistes,
les rêveurs vont servir à enseigner ou à panser ou
à chercher des nouveaux moyens de production ou
à divertir. Les premiers vont s'enrichir et penseront
être les gagnants. Les autres vont se faire une raison
(sachant au fond de même que ce n'est pas le système
auquel ils aspiraient).
Les derniers, ceux qui n'ont ni la naissance, ni le courage,
ni l'ambition, ni le talent, ni l'empathie
(ou pas en quantité suffisante, puisqu'il faut jouer des coudes),
ceux-là vont servir à faire fonctionner la Machine à Profit.
Ceux-là (en nombre) sont les grands perdants et
leur voix (quand ils parlent) n'est pas beaucoup entendue.
Et les chefs ? Les chefs sont là pour rassurer
le groupe par les paroles.
Eux-mêmes ne croient plus à leurs discours
mais ils y ont cru un jour et ils se disent que
la vérité est trop cruelle, trop triste, trop désespérante,
alors ils distillent l'espoir. Ils promettent que
demain sera meilleur. Qu'ils faut faire des efforts.
Que le Bien-être n'est pas loin, qu'il faut leur laisser du temps...

J'aimerais bien imaginer comment revenir au temps
où on ne produisait que le nombre de potirons dont
le groupe avait besoin et pas davantage.
J'espère qu'au moins nos enfants y parviendront.

Très belle journée à vous !





2 commentaires:

bénédicte a dit…

Ils n'y arriveront pas, nos enfants.
L'héritage est déjà trop lourd.
A moins que...
Il faudrait tout casser d'abord ?
C'est enfantin, amusant même, de tout casser.
Mais ils ne le feront pas.
L'inertie est déjà génétique.

Bonne nuit !

palim a dit…

Bonjour Bénedicte,

Les mouvements historiques viennent de milliers de petits facteurs souterrains qui agissent pendant des années, jusqu'à ce qu'un système (que tout le monde croyait solide) s'ébranle et qu'on s'aperçoive qu'il était rongé par les vers.
Qu'il s'effondre tout seul ou que sa chute soit précipitée par une révolution, le résultat est le même. Et je crois (naïvement peut-être) que le nôtre va vers sa Fin. Mais c'est en parlant de nos enfants que je me trompe sans doute. Vraisemblablement, je devrais mentionner les enfants des enfants des enfants des enfants des enfants de nos enfants !